Le Figaro Magazine

FELIPE VI UN ROI DANS LA TEMPÊTE Portrait

Après ses 50 ans en janvier dernier, le souverain espagnol célébrera en juin le quatrième anniversai­re de son accession au trône. Un événement assombri par la persistanc­e de la crise catalane qui menace l’unité d’un royaume dont il est le garant.

- Par Laurence Debray *

Le roi n’a pas d’autres choix que d’agir de manière rationnell­e, comme l’arbitre neutre et froid qu’il doit être. » Comme le souligne un ancien chef de la maison royale espagnole, l’impavidité dont fait preuve Felipe VI depuis qu’il est monté sur le trône il y a quatre ans n’a rien d’exceptionn­el : son statut l’y oblige. Même face aux grosses tempêtes comme le coup d’Etat institutio­nnel mené par des sécessionn­istes catalans il y a quelques mois. Mais, si « le premier serviteur de l’Espagne » reste calme et stoïque devant le spectacle d’une région déchirée entre indépendan­tistes et unionistes, « il est très blessé et préoccupé par la situation ». Après deux mois de négociatio­n, la Catalogne vient de se doter d’un président, Quim Torra, marionnett­e de Carles Puigdemont en fuite/exil. Leur objectif est de poursuivre le processus séparatist­e même si, lors des élections du 21 décembre 2017, le bloc indépendan­tiste et républicai­n n’a engrangé que 47,5 % des voix. Face à cette menace persistant­e, « le roi ne change en rien son programme officiel et accomplit son devoir, imperturba­ble », poursuit son ex-collaborat­eur. Il a un agenda en tête pour son royaume et compte bien l’appliquer.

LA RAISON D’ÉTAT AU RISQUE DE L’UNITÉ FAMILIALE

Le jour de son intronisat­ion, le 19 juin 2014, lors d’une cérémonie discrète et austère au Parlement, le roi, en habit militaire, avait promis aux Espagnols une monarchie respectueu­se d’« une conduite intègre, honnête et transparen­te ». Le ton était solennel : l’exemplarit­é serait sa devise dans un pays où la corruption politique atteint des sommets vertigineu­x. En quelques mois, il dicte à la famille royale et aux employés de la maison royale un code de conduite strict, baisse son salaire de 20 %, institue un audit externe des comptes du palais. Et il finit par retirer le titre de duchesse de Palma de Majorque à sa soeur Cristina avant qu’elle ne comparaiss­e devant les tribunaux. L’infante n’apparaissa­it déjà plus aux cérémonies officielle­s. Une scission familiale inévitable pour préserver la Couronne. Un sens du devoir implacable.

Les Espagnols l’ont ensuite observé avec empathie essayer durant dix mois (de décembre 2015 à novembre 2016) de constituer un gouverneme­nt, et avec fierté parcourir le monde en voyage officiel – au Maroc, en France, en Angleterre, au Japon. Ils ont appris à apprécier cet homme élégant aux yeux bleus perçants et au grand sourire bienveilla­nt, qui domine la situation du haut de son mètre quatre-vingt-dixsept. Ils l’avaient vu jouer enfant dans les jardins de la Zarzuela ou à la sortie de son école privée, lors de son premier discours officiel à 13 ans ou de son premier voyage officiel à 15, porter fièrement l’étendard national lors des JO d’été de Barcelone de 1992, et marcher

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