Le Figaro Magazine

MALHEUREUX QUI COMME ULYSSE

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★★★★ GRAFFITI PALACE, d’A. G. Lombardo, Seuil, 400 p., 22 €. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Charles Recoursé.

Los Angeles, quartier de Watts, 11 août 1965. Un jeune homme noir apprenti sémiologue à tendance urbaine (pour parler clairement, il adore arpenter les rues de sa ville et consigner dans un calepin les graffitis des différents gangs qu’il est le seul à déchiffrer), tente de rentrer chez lui où sa fiancée enceinte fait la bamboula avec quelques amis. Hélas pour lui, un contrôle de police qui dégénère provoque la géhenne : Watts et ses environs sont en feu, la communauté noire déclare la guerre, on n’a jamais vu ça. Le piéton de L.A. tente alors de rentrer chez lui mais à chaque fois qu’il s’en rapproche, il fait des rencontres curieuses qui ne cessent de l’en éloigner… Au bout de quelques pages de ce roman extraordin­aire, le doute s’installe, puis se confirme : cette errance dans une ville où se bousculent une Pénélope enceinte d’un bébé Télémaque, un cyclope, une Circé, des mangeurs de lotus et d’autres néotarés (Elijah Muhammad en personne, leader de Nation of Islam, des reines vaudoues et quelques précurseur­s de la fabricatio­n du crack) échappés de la mythologie n’est rien d’autre qu’un hommage fabuleux à

Ulysse de Joyce ainsi qu’à l’Odyssée qui l’a inspiré.

Le tout revu et corrigé par le Martin Scorsese d’After Hours.

A. G. Lombardo signe à près de 50 ans un premier roman démentiel dans lequel son sens du détail ratiboise tout : son Ulysse chausse des Keds tandis que les radios charrient Martha & The Vandellas et John Coltrane ; d’ailleurs, il s’appelle Monk…

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