Le Figaro Magazine

PROMOTION MACRON

Le romancier Mathieu Larnaudie s’est penché sur les énarques de la promo Senghor, d’où est issu Emmanuel Macron. Radiograph­ie.

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En 2002, la promotion Senghor a pris ses quartiers à Strasbourg. Dans ses rangs, quelques brillants sujets, comme chaque année, dont un certain Emmanuel Macron. Raconter les énarques est un marronnier : soit des journalist­es se penchent sur la jeunesse des Présidents (Giscard, Chirac, Hollande et Macron) ; soit des sociologue­s, qui ne se lassent pas de décortique­r les rites, les codes et les fameux « réseaux ». L’écrivain Mathieu Larnaudie a d’abord abordé le sujet dans un article pour le magazine Vanity Fair en 2013, bien avant la transforma­tion d’Emmanuel Macron en vainqueur surprise de la présidenti­elle.

Il fallait avoir une bonne boussole pour s’intéresser à cette promotion Senghor comme d’autres le firent, mais bien plus tard, à propos de la promotion Voltaire (Hollande, Villepin, Royal). L’auteur nous donne une idée assez juste de ces Jeunes

gens * un peu turbulents – leur promo fit un rapport salé sur la scolarité à l’ENA – mais finalement assez adaptés au monde comme il est. Il décrit une promotion charnière, dotée d’un goût du service d’Etat plus prononcé que les précédente­s, envoûtées par le CAC 40, mais totalement dans l’air du temps – écolo, numérique, libérale, communican­te et très imprégnée d’une culture globale. Cela plaît à l’auteur, qui se réjouit que Macron ait, pendant la campagne, jugé que la culture française devait se fondre dans la « mosaïque de cultures plurielles ».

Est-il vraiment réac de considérer que cette culture n’est pas seulement, sur son territoire, une parmi les autres, mais la première ? Ce n’était pas la peine de s’en prendre aux « plumitifs réactionna­ires qui utilisent la culture comme instrument privilégié d’une affirmatio­n de l’identité nationale ».

En tout cas, l’ENA est l’illustrati­on de cette exception si française, si jacobine, si unitaire. Et c’est justement le statut quasi divin de cette élite d’Etat qui intéresse l’auteur. Il y voit « le troisième corps du roi », tout aussi révéré et détesté que le roi lui-même. Le livre décrit des jeunes gens pragmatiqu­es, décomplexé­s, mais d’une ambition calculatri­ce : « Ils pensent toujours à la phrase d’après »,

écrit-il. « J’ai appris une façon de parler. Ce qu’il faut dire avant, pendant, après », résume l’un des élèves. Leurs sentiments sont livrés « avec une sporadique pudeur, ce qui n’empêche pas certains aveux de fuser sans encombre, notamment ceux qui ont trait au travail acharné que leur cursus requiert, et à la rivalité qui les lie

autant qu’elle les oppose ». Il reste un moule commun, fait de « l’aversion

pour les extrêmes », et une culture du consensus technocrat­ique. Ainsi apprend-on que les énarques ne suivent pas le rythme de la grande dissertati­on « thèse, antithèse, synthèse ». Ils se contentent plutôt « d’une argumentat­ion en deux parties, qui supprime le négatif et suppose un consensus déjà acquis, qui tombe sous le sens ». Le sens de l’Etat, bien sûr. Charles Jaigu * Les Jeunes Gens, de Mathieu Larnaudie, Grasset, 202 p, 18 €.

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