LA LUTTE CONTRE LES “FAUSSES INFORMATIONS”, PARFAIT ALIBI D’UNE VÉRITÉ OFFICIELLE
La loi contre les « fake news » alourdit les dispositifs juridiques qui pèsent sur la liberté d’expression et fait des fournisseurs d’accès les auxiliaires d’une police de la pensée dictée par les minorités agissantes.
Le roi de France ne venge pas les querelles du duc d’Orléans, mais le président de la République, lui, est moins magnanime. Bien qu’élu, Emmanuel Macron n’a toujours pas digéré ce qu’il a appelé les « contre-vérités infamantes » propagées sur lui pendant la campagne par la chaîne Russia Today et le site Sputnik, financés par le Kremlin. D’où la proposition de loi de « lutte contre les
fausses informations », fortement inspirée par l’Elysée, qui devait selon toute vraisemblance être adoptée jeudi à l’Assemblée. Conçu au départ pour laver l’affront, le texte permet au juge civil d’empêcher en période électorale la diffusion de toute « allégation ou imputation d’un fait dépourvue d’éléments vérifiables de nature à la rendre
vraisemblable. » Le CSA voit également ses pouvoirs renforcés, notamment sur les sites qui ne montreraient pas assez d’empressement à faire eux-mêmes la police de la pensée. Gageons que les minorités agissantes, dont le CSA est devenu le bras armé dans les médias, trouveront motif à s’en réjouir.
La France est déjà championne du monde démocratique par l’abondance et la sévérité de ses lois sur la presse, écrite, audiovisuelle ou en ligne. Elle a une notion bien plus restrictive que ses homologues occidentaux du respect de la vie privée, et bien plus extensive de la diffamation et de l’injure. Le racisme, le sexisme, l’homophobie sont devenus des motifs courants de plainte contre des acteurs du débat public. A ce délit d’opinion, qui n’existe pas en droit, la loi contre les « fake news » menace d’ajouter l’instauration d’une vérité officielle par une justice forcément expéditive – le tribunal aura quarante-huit heures pour trancher. De quoi alimenter ces théories du complot que l’exécutif entend combattre.