L’ÉDITORIAL
de Guillaume Roquette
Largué. On ne voit guère d’autre qualificatif pour décrire l’audiovisuel public français. Les jeunes générations connaissent à peine l’existence des chaînes de la télévision officielle, tandis que leurs parents sont de plus en plus nombreux à préférer Netflix (lire p. 74) ou l’écran de leur ordinateur à ceux de France Télévisions. Et, côté programmes, Emmanuel Macron aurait déclaré qu’ils étaient « la honte de la République ». Bref, rien ne va plus. Rien… sauf la redevance audiovisuelle, qui se porte très bien, merci. En remplissant ces jours-ci leur déclaration d’impôt, tous les contribuables du pays ont pu constater qu’ils étaient comme chaque année mis à contribution pour financer l’audiovisuel public. Montant de la douloureuse : 138 euros (19 % d’augmentation en dix ans). Soit un pactole total de plus de 4 milliards d’euros.
Il y a quelques mois, Le Figaro Magazine se demandait s’il fallait en finir avec la télé publique, dénonçant des chaînes à la fois trop coûteuses, trop commerciales et trop politisées. Le gouvernement ayant annoncé une grande réforme pour cette semaine, on s’était dit que les choses allaient peut-être bouger. Et on a vu : en charge du dossier au gouvernement, la ministre de la Culture Françoise Nyssen a annoncé… que la chaîne France 4 allait migrer de la TNT à internet. Quel big bang, une vraie révolution !
Au chapitre des finances, on attend toujours les économies. Pour l’instant, la ministre a seulement expliqué qu’il fallait dépenser 150 millions supplémentaires dans le numérique. Une fois de plus, il est en réalité probable qu’on ne touchera pas aux mammouths de la télé et de la radio publique. Ni les politiques, de droite comme de gauche, surtout soucieux d’y être invités, ni les syndicats qui veillent à la pérennité d’effectifs pléthoriques (près de 10 000 salariés à France Télévisions, soit trois fois plus que dans le groupe TF1 pour des audiences comparables), ni les producteurs qui s’arrogent une part non négligeable du gâteau n’ont intérêt à ce que les choses changent.
Mais tout cela n’est pas grave. Car la ministre de la Culture a trouvé la vraie mission de l’audiovisuel public : lundi dernier, elle a expliqué tout ce qu’il y a de plus officiellement aux patrons de chaîne qu’elle voulait des médias « engagés » pour « changer les mentalités des Français ». Et, pour ceux qui n’auraient pas compris, elle a déploré que notre pays soit « hautement réactionnaire » car il refuserait la diversité. Qu’on se le dise : la chasse aux mâles blancs de plus de 50 ans est rouverte. Dans sa traque, la ministre pourra compter sur l’appui zélé du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Il revient en effet à cette aimable institution de compter les « personnes perçues comme non blanches » (sic) qui passent à la télévision et de traquer leur « surreprésentation dans des rôles à connotation négative » (re-sic)… En charge d’une mission aussi cruciale pour le destin du pays, on comprend que le président du CSA, avec ses 188 700 euros annuels, soit payé davantage que le président de la République.