LES CLÉS POUR COMPRENDRE
Elus contre l’Europe et la politique de la BCE, le Mouvement 5 étoiles et la Ligue ont édulcoré leur programme pour complaire à Bruxelles. Sauf en matière budgétaire, où ils vont faire exploser les déficits et mettre la monnaie unique en danger.
1 UNE COALITION EUROSCEPTIQUE AU POUVOIR
Pays fondateur de la Communauté économique européenne – Rome a accueilli la signature du traité qui la porta sur les fonts baptismaux en 1957 –, l’Italie n’a jamais ressenti autant d’hostilité envers l’Europe. Sortis vainqueurs du scrutin du 4 mars dernier, les deux partis qui gouvernent aujourd’hui ont inscrit chacun dans leur programme une mesure radicale envers l’Europe. Le Mouvement 5 étoiles (M5S) promettait un référendum sur l’adhésion à l’euro ; la Ligue annonçait carrément une sortie de l’UE.
Dans le contrat de gouvernement patiemment élaboré par les deux formations, l’Europe a néanmoins recouvré quelques couleurs. Les équipes dirigées par les deux leaders, Luigi Di Maio – devenu ministre du Travail – et Matteo Salvini – nommé à l’Intérieur –, se sont accordées sur une formule très en deçà de leurs positions initiales. Les partenaires se sont engagés pour un renforcement du pouvoir du Parlement européen (un pari sur l’arrivée d’une vague populiste à Strasbourg l’an prochain) et un plein soutien aux traités de Maastricht et de Lisbonne. Accès de realpolitik ou conversion de pure forme ?
2 UN PROGRAMME BUDGÉTAIREMENT AUDACIEUX
L’alliance M5S et Ligue consiste en un mariage de raison forcé par les électeurs. Une sorte d’union de la carpe et du lapin qui n’a pu se sceller qu’en additionnant les promesses des uns et des autres sans s’embarrasser de contraintes budgétaires.
Aussi, le M5S a inscrit dans le contrat sa proposition phare : une allocation mensuelle de 780 € pour toute personne seule vivant en dessous du seuil de pauvreté. Une prestation qui a séduit l’électorat du sud de l’Italie, où le chômage frappe durement.
De son côté, la Ligue a couché sur le programme de gouvernement sa mesure fiscale favorite : la « flat tax » (imposition sur le revenu à taux fixe pour tous). Si le Parlement adopte ce régime fiscal, les contribuables italiens, quels que soient leurs revenus, se verront imposer à hauteur de 15 %. Une disposition plébiscitée par l’électorat « liguiste », notamment les petits entrepreneurs du nord de la péninsule, particulièrement réfractaires aux prélèvements fiscaux.
Cet échange de voeux entre alliés a néanmoins un coût pour le budget italien : entre 125 et 200 milliards d’euros, selon les experts.
3 VERS UNE CRISE DE L’EURO ?
En matière budgétaire, la fable de la cigale et la fourmi a beaucoup servi. Avec un gouvernement italien dépensier face à une Banque centrale européenne (BCE) soucieuse d’économies, La Fontaine va revenir à la mode. Le 14 juin, à Riga, le Conseil des gouverneurs de la BCE, composé des 6 membres du directoire et des patrons des 19 Banques centrales de la zone euro, doit décider s’il faut arrêter la politique d’assouplissement quantitatif lancée en 2009. A partir de 2015, la BCE est venue au secours de l’Italie en rachetant une part de sa dette (2 300 milliards d’euros). Elle a déjà acquis pour 341 milliards d’euros de bons du trésor et continue à en acquérir pour 4 milliards chaque mois. Dirigée par l’Italien Mario Draghi, la BCE était déjà, aux yeux des « durs », suspectée d’indulgence. Avec ce gouvernement « cigale » désireux de se libérer de la « cage allemande », selon le ministre des Affaires européennes, la situation va se tendre. Di Maio et Salvini sont-ils prêts à sacrifier leur programme pour éviter une crise de l’euro ? Rien n’est moins sûr. Nerveux, les marchés pourraient alors spéculer contre la devise européenne.