QUAND HOLLANDE S’Y (RE)VOIT DÉJÀ
L’ancien président savoure le succès de son livre. Du coup, il se remet à parler aux journalistes et ne rate pas une occasion de dénigrer son successeur.
Il jubile. Il plastronne. Il biche. François Hollande fait durer le plaisir. Il transforme les séances de signature de son livre en interminables causeries impromptues avec ses lecteurs. Il veut voir dans le (relatif) succès commercial de son ouvrage une réhabilitation politique. Il soigne son ego meurtri à la chaleur de son public. Il s’empare du moindre micro tendu, de la moindre caméra en balade, du moindre colloque pour faire l’éloge de son quinquennat. Il ne laisse pas passer la moindre occasion de brocarder ou de critiquer l’action de son successeur.
Hollande est reparti en campagne, mais c’est une campagne sans objectif ni but. Une campagne sans élections, sans parti, sans troupes. Une campagne en solitaire. Purement médiatique. Hollande fait du Hollande. Il fait ce qu’il a toujours fait, et ce qu’il fait de mieux : il parle aux journalistes. Il est trop jeune pour s’enfermer au Conseil constitutionnel. Il est trop vieux pour changer de vie et passer dans le privé comme Montebourg. Il est trop socialiste – ou trop français, ou trop énarque – pour peupler sa solitude de conférences plantureuses à travers le monde, à la manière de Clinton ou de Blair. Il est trop lucide pour croire à une reconquête de l’Elysée que tentèrent en vain Giscard et Sarkozy. Il est trop intelligent pour vouloir reprendre le Parti socialiste, ce mort-vivant.
Dans la république macronienne, il a trouvé son emploi : l’opposant à sa majesté. Il est en vérité l’adversaire le plus talentueux et le plus pugnace de son successeur. La nature a horreur du vide. Hollande profite d’un manque cruel : Macron n’a pas d’opposition. Mélenchon a échoué alors qu’il avait la préférence marquée du Président lui-même, parce que son angle d’attaque social n’est plus prioritaire dans les démocraties occidentales. A l’inverse, Marine Le Pen avait dans les mains le bon angle, l’identitaire, mais sa gêne manifeste de s’en servir – ajoutée à sa décrédibilisation à l’issue de son débat entre les deux tours de la présidentielle – rend sa parole inaudible. Wauquiez aurait bien les deux atouts dans sa manche – crédibilité du normalien-énarque et priorité politique à l’identitaire – mais son calendrier médiaticopolitique est pour l’instant pollué par les querelles internes à son parti.
Hollande meuble ce « trou » avec talent. Il masque ainsi une réalité peu plaisante pour lui : Macron, c’est lui, en mieux. C’est la même politique, avec un président qui joue au président. Qui surjoue même le rôle de roi, a très justement remarqué Hollande. Comme un acteur. Comme un enfant. Mais si Macron éprouve la nécessité de surjouer le rôle de monarque présidentiel, c’est que Hollande le sous-jouait. Et même déjouait. A la grande fureur des Français. C’est tout le paradoxe de sa situation présente : Hollande n’est remonté dans l’estime générale que parce qu’il n’est plus président et que plus personne n’imagine qu’il le redeviendra.