QUAND LA DANSE DÉCOIFFE
LES VARIATIONS DE FRANÇOIS DELÉTRAZ
C’est avec un spectacle décoiffant et sans repos que débute le 38e Festival Montpellier Danse. A la manoeuvre, Jacopo Godani qui signe chorégraphie, costumes, décors, lumières, vidéo et ... dramaturgie. Nous avons vu Extinction of a Minor
Species en avant-première au Bockenheimer Depot à Francfort, un ancien hangar à tramway devenu théâtre. Si Jacopo est italien, cette pièce est très allemande avec ces elfes et ces nixes sortis de nulle part, comme par les décors : on croit parfois être au milieu d’une forêt bavaroise, parfois dans une usine désaffectée. De même qu’on est balancé entre des images semblant extraites d’un retable moyenâgeux et une installation d’arts plastiques du XXe siècle. C’est dire si cette pièce qui se penche sur la dimension du corps et sa pérennité est déroutante. Même ambivalence avec des musiques qui s’étirent avant de devenir soudain dissonantes voire horripilantes. Jacopo, sous des airs de bonhomie, aime jouer avec les nerfs des spectateurs. Habituellement grand adepte d’une sensualité exacerbée, il est ici dans un autre registre – même s’il s’en défend. Beaucoup plus froid, plus calculé. Superbement dansée, la pièce culmine avec le duo de Tamás Darai et David Leonidas Thiel, où l’on croit assister à une lutte à mort, ou avec le solo de Gustavo Gomes, précis et original. Elle comporte aussi, avant une fin mortuaire, une série d’ensembles réglés au millimètre et interprétés avec beaucoup de brio. On ne peut être qu’admiratif de cet immense travail gestuel qui place définitivement Jacopo Godani à l’opposé de cette fameuse « non-danse » dont tant de chorégraphes français ont fait leur leitmotiv. Extinction of a Minor
Species a remporté un grand succès à Francfort : qu’en dira le public de Montpellier ?