UNE SORTE DE BLEU
★★★ LE BLEU DU LAC, de Jean Mattern, Sabine Wespieser, 114 p., 16 €.
C’était un homme qui ne laissait rien au hasard. James Fletcher, 55 ans, mort paisiblement dans son sommeil, avait réglé lui-même chaque détail de ses funérailles en l’église Sainte-Cécile-et-SaintAnselme de Londres. Jusqu’à l’interprétation du deuxième Intermezzo de Brahms par la grande pianiste Viviane Craig, sortie pour l’occasion de sa retraite. Celle qui est surnommée « la Greta Garbo du
piano » ne pouvait faire moins pour saluer la mémoire de celui qui, compositeur et critique musical, fut surtout le grand vulgarisateur du classique à la télévision britannique. Ce que l’assistance recueillie auprès de sa dépouille ignore en revanche, c’est que ces deux-là se connaissaient bien mieux qu’ils ne le prétendaient, entretenant depuis de longues années une liaison adultère, violemment charnelle et résolument secrète. Le trajet en train qui sépare son domicile de Wimbledon – où elle vit avec son mari, James, documentariste – de l’église, sera pour Viviane le plus long qui soit…
Ces deux amants que même la mort ne parvient à séparer tout à fait, sont les héros du cinquième roman de Jean Mattern, peut-être son plus beau. La phrase de l’auteur s’y fait ample et précise à la fois, presque woolfienne puisque le récit tient tout entier dans le monologue de Viviane en chemin une dernière fois vers son amant. Aimez-vous Brahms ? Vous aimerez Mattern.