BIBLIOTHÈQUE VERTE
Les saisons ne sont plus ce qu’elles étaient. La pluie se croit tout permis. L’été est là, pourtant. Il bégaie. Les thermomètres ne sont plus fiables. Il existe désormais des températures ressenties. Qu’est-ce à dire ? Il fait 0 °C, mais vous avez l’impression que le mercure est descendu beaucoup plus bas. La subjectivité exerce partout ses ravages. Jadis, les vacances duraient deux mois. Elles ont raccourci. C’est une erreur. Ces longues plages de temps permettaient aux jeunes gens de fouiller dans les bibliothèques. Ils tombaient sur des volumes de Bob Morane. Il n’était pas rare d’en lire trois par jour. Les titres évoquaient des lointains, La Couronne de Golconde, La Vallée infernale, Un parfum d’ylang-ylang. Bob Morane bombait le torse. Jamais compris s’il était espion ou reporter. Cet aventurier affrontait de terribles épreuves. Il était secondé par un colosse roux qui s’appelait Bill Ballantine. Un balèze portant un nom de whisky ne pouvait pas être mauvais. Les méchants étaient baptisés les dacoïts. Ces horribles petites créatures aux noirs desseins avaient à leur tête l’Ombre Jaune, un des meilleurs méchants inventés par la littérature. Littérature, littérature, comme nous y allons ! Les événements se multipliaient. Le bien triomphait. Cela ne devrait pas être autorisé. L’auteur, Henri Vernes, aura bientôt cent ans. Cela conserve. Aujourd’hui, nous ne le lisons plus. Vieillir se reconnaît à ces signes. Nous sommes devenus snobs. Après Bob Morane, Paul Morand.