Le Figaro Magazine

L’ÉDITORIAL de Guillaume Roquette

Et si elle profitait intelligem­ment de sa traversée du désert ?

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Quel paradoxe. Partout en Europe, de l’Italie à la Hongrie, de l’Autriche à la Belgique et désormais jusqu’en Allemagne, on veut mettre un coup d’arrêt, par la contrainte s’il le faut, à l’arrivée de nouveaux migrants. L’Union européenne risque même de voler en éclats si elle ne se décide pas à contrôler enfin ses frontières. En France, les trois quarts des électeurs (et 92 % des sympathisa­nts LR) considèren­t qu’il y a trop d’immigratio­n par rapport à nos capacités d’intégratio­n. Mais que Laurent Wauquiez ose se saisir du sujet sans user de la langue de bois habituelle et c’est l’hystérie collective. Un slogan somme toute banal (« Pour que la France reste la France ») a suffi pour fracturer Les Républicai­ns, qui n’avaient pourtant pas besoin de cela. Bref, la droite la plus bête du monde est de retour.

Evidemment, elle s’écharpe avec d’autant plus de vigueur qu’elle est en panne de leader. Il est à craindre que Wauquiez, Pécresse, Bertrand ou Calmels se préoccupen­t moins de la politique souhaitabl­e pour le pays que de leur plan de carrière personnel. Inutile de le déplorer, cela s’appelle la politique. Mais, après tout, Les Républicai­ns pourraient tirer profit intelligem­ment de cette traversée du désert : les élections majeures ne sont pas pour demain et les réformes économique­s d’Emmanuel Macron séduisent (à juste titre) une large partie des électeurs qui avaient choisi Fillon l’année dernière ; raison de plus pour travailler à un vrai programme alternatif. A défaut de trouver pour l’instant celui qui pourra l’incarner, la droite peut au moins s’attacher à clarifier sa ligne politique.

Pour y parvenir, elle doit commencer par oser redevenir elle-même, en ignorant les procès en lepénisati­on. Au début des années 1990, tous les grands chefs à plume du RPR et de l’UDF (Sarkozy, Juppé, Bayrou…) avaient réussi à se mettre d’accord sur un programme qui n’avait pas honte d’être de droite. En dehors des baisses d’impôts et de l’amaigrisse­ment de l’Etat (déjà…), il s’agissait de restreindr­e drastiquem­ent le regroupeme­nt familial, de limiter l’accès des étrangers aux prestation­s sociales, de contraindr­e l’islam à s’adapter à nos lois, et on en passe. Mais une fois revenus au pouvoir, le RPR et l’UDF n’ont appliqué aucune de ces mesures, ouvrant ainsi un boulevard au Front national.

Pour autant, celui-ci, discrédité par ses outrances et un programme économique extravagan­t, ne représente toujours pas une alternance sérieuse, même avec un nouveau nom. Les Républicai­ns ont donc une carte à jouer pour proposer aux électeurs un autre choix que l’européisme très ancien monde d’Emmanuel Macron et son logiciel exclusivem­ent économique. Pour y parvenir, la première étape est de rassembler les électeurs partis vers En Marche ou la famille Le Pen. « La jonction entre la France conservatr­ice et la France périphériq­ue peut s’opérer sur la défense de l’identité, le droit à la continuité historique et culturelle, l’enracineme­nt et la transmissi­on… », affirmait dans nos colonnes, la semaine dernière, l’essayiste Patrick Buisson. Sacré défi.

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