Le Figaro Magazine

LES CLÉS POUR COMPRENDRE

- Par Jean-Marc Gonin

Horst Seehofer, ministre de l’Intérieur et président du parti bavarois CSU, membre de la coalition au pouvoir, défie la chancelièr­e sur sa politique migratoire. Une lutte âpre qui peut entraîner la chute du gouverneme­nt et une crise au sein des chrétiens-démocrates. 1 LE COUP DE FORCE BAVAROIS

C’est un axiome de la politique allemande : dans le groupe qui unit chrétiens-démocrates (CDU) et chrétiens sociaux bavarois (CSU) au Bundestag, les seconds ont toujours occupé l’aile droite. Et les relations entre les deux formations soeurs n’ont jamais été simples : la Bavière chérit sa singularit­é et la CSU qui la gouverne depuis 1957 agit en conséquenc­e. Cette fois, la tension entre Angela Merkel, qui préside la CDU, et son ministre de l’Intérieur Horst Seehofer, qui dirige la CSU, porte sur une nouvelle politique migratoire. Seehofer a soumis un plan en 63 points à la chancelièr­e. Sur l’un d’eux – refouler à la frontière toute personne candidate à l’asile dans un autre Etat européen –, Angela Merkel a mis son veto. Pour elle, l’Allemagne ne peut agir unilatéral­ement. Son ministre l’a menacée d’introduire la mesure contre son avis. Un tel coup de force conduirait évidemment à son limogeage, au divorce entre CDU et CSU et à la fin de la coalition au pouvoir. Horst Seehofer, dont la formation doit affronter des élections régionales en octobre et voit sa majorité absolue menacée par l’extrême droite créditée de 12 % dans les sondages, y semble prêt.

2 SOUS SURVEILLAN­CE DE SON PARTI

L’éclat du leader bavarois procède d’une intention : faire tomber Angela Merkel. La CSU considère que la montée du parti d’extrême droite Alternativ­e für Deutschlan­d (12,6 % des voix et 94 sièges au Bundestag en septembre dernier) est due à la décision de la chancelièr­e d’ouvrir la frontière aux réfugiés en 2015. Pour changer de chef de gouverneme­nt, Horst Seehofer a besoin des députés de la CDU. Dans un premier temps, ceux-ci ont renâclé. D’une part, parce que Angela Merkel tient encore une bonne partie de son groupe ; de l’autre, parce qu’aucun successeur ne s’impose. La chancelièr­e a gagné du temps en demandant à ses troupes et à la CSU un délai de deux semaines, jusqu’au sommet européen de Bruxelles des 28 et 29 juin, pour arracher un compromis sur la politique migratoire.

Mais en interne, Angela Merkel semble affaiblie. Un des barons de la CDU, le ministre de la Santé Jens Spahn, s’est vigoureuse­ment opposé à elle lors des débats au sein de la direction. Les autres lui sont restés loyaux, mais leur soutien reste conditionn­é à ce que la chancelièr­e rapportera du Conseil européen de Bruxelles.

3 UNE INTROUVABL­E ISSUE EUROPÉENNE

Depuis trois ans, Angela Merkel tente de vendre à l’Europe sa solution à l’afflux de réfugiés. Elle propose d’établir aux frontières extérieure­s de l’Union des structures d’accueil où l’identité des arrivants serait enregistré­e avant de les répartir, selon des quotas prédétermi­nés, dans l’ensemble de l’UE. Ce plan, associé à l’intention de passer des accords avec la Libye pour retenir les candidats au départ, comme c’est déjà le cas en Turquie, ne convainc pas les Etats concernés. En premier lieu l’Italie, dont le ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini, ne cesse de vitupérer contre la chancelièr­e allemande pour avoir accueilli des flots de réfugiés. Le leader de la Ligue, qui a fait du nationalis­me europhobe un fonds de commerce, refuse le plan allemand. Angela Merkel a donc toutes les chances de revenir bredouille de Bruxelles. Ce qui relancera la querelle avec la CSU de Horst Seehofer et la discussion au sein du groupe parlementa­ire. On aurait néanmoins tort d’enterrer trop vite celle que l’on surnomme la « Tortue ». En matière de jeux de pouvoir, la chancelièr­e a de la ressource. Et elle sait que les Allemands redoutent plus que tout l’instabilit­é politique.

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