Le Figaro Magazine

LES ÊTRES ET LE NÉANT

- Paulin Césari

Qu’est-ce que le souverain bien ? Longtemps la philosophi­e l’a cherché, en vain. Spinoza le définit ainsi : « un bien dont la découverte et la possession eussent pour fruit une éternité de joie continue et souveraine ». Mais ça, c’était avant. Avant que la campagne publicitai­re d’un constructe­ur automobile allemand ne mette un terme aux divagation­s des philosophe­s en proposant la solution suivante :

« rien est ce qui peut vous arriver

de mieux ». Rien ? Entendons : ce qui ne peut ni être ni exister. Le néant serait donc le meilleur, le « mieux » qui puisse nous arriver. Mais comment faire pour que le néant advienne ? Par définition, ce qui advient doit être. Or, le néant n’est pas. Donc, il ne peut advenir. Au sens strict, « rien » ne peut arriver. Devonsnous alors dire adieu au souverain bien ? Que nenni ! Pour résoudre la contradict­ion, il suffit de renverser le problème : si « rien » ne peut advenir, « tout », en revanche, peut disparaîtr­e. Et devenir « rien ». Il conviendra­it donc d’agir en ce sens afin d’être englouti et donc ravi dans le néant commun.

Loués soient ces publicitai­res inspirés qui extraient l’or du temps et en exhibent la quintessen­ce : l’érection de l’anéantisse­ment en paradigme hégémoniqu­e. Autrement dit :

« Viva la muerte !

»

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