LES ÊTRES ET LE NÉANT
Qu’est-ce que le souverain bien ? Longtemps la philosophie l’a cherché, en vain. Spinoza le définit ainsi : « un bien dont la découverte et la possession eussent pour fruit une éternité de joie continue et souveraine ». Mais ça, c’était avant. Avant que la campagne publicitaire d’un constructeur automobile allemand ne mette un terme aux divagations des philosophes en proposant la solution suivante :
« rien est ce qui peut vous arriver
de mieux ». Rien ? Entendons : ce qui ne peut ni être ni exister. Le néant serait donc le meilleur, le « mieux » qui puisse nous arriver. Mais comment faire pour que le néant advienne ? Par définition, ce qui advient doit être. Or, le néant n’est pas. Donc, il ne peut advenir. Au sens strict, « rien » ne peut arriver. Devonsnous alors dire adieu au souverain bien ? Que nenni ! Pour résoudre la contradiction, il suffit de renverser le problème : si « rien » ne peut advenir, « tout », en revanche, peut disparaître. Et devenir « rien ». Il conviendrait donc d’agir en ce sens afin d’être englouti et donc ravi dans le néant commun.
Loués soient ces publicitaires inspirés qui extraient l’or du temps et en exhibent la quintessence : l’érection de l’anéantissement en paradigme hégémonique. Autrement dit :
« Viva la muerte !
»