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DITES-NOUS TOUT

“Je suis heureux d’avoir été policier plutôt que magistrat : tête” je n’ai pas eu à trancher de

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Jules Maigret

Héros de 75 romans et de 28 nouvelles écrits entre 1931 et 1972 par Georges Simenon, le commissair­e Jules Maigret est honoré d’une statue aux Pays-Bas, d’une place à Liège et d’une pelle de Starck plantée au pied du 36, quai des Orfèvres, à Paris. Célèbre dans le monde entier, il a été l’objet de nombreuses notices biographiq­ues. Naissance, enfance, deuils, apprentiss­ages, mariage, voyages, triomphes, disgrâces : on sait tout de sa vie. Nous manque seule la date de son décès. Les héros ne meurent jamais.

Quelle est pour vous la quintessen­ce de la vie parisienne ?

Un petit bistrot, l’odeur du café crème, des croissants chauds, avec une très légère pointe de rhum ; derrière les vitres embuées, 10, 15, 20 personnes autour d’un comptoir d’étain, buvant un petit noir avant de courir à leur travail.

Votre comptoir de prédilecti­on ?

Celui de la Taverne Henri IV, place du Pont-Neuf, à Paris.

Vos vins préférés ?

Le pouilly-fumé du château de Tracy à l’heure de l’apéritif et un bourgueil de l’année pour accompagne­r mon repas.

Le vin que vous laissez dans le verre ?

Le saint-émilion sucré à en donner mal au coeur, tripoté pour l’exportatio­n.

Quels sont les plats dont vous ne vous lassez pas ?

Le magret de canard, évidemment ! Mais aussi la blanquette de veau, la soupe aux tomates que je mange dans

Un crime en Hollande, les quiches dans Chez les Flamands, le cassoulet qu’on me sert dans Maigret hésite et les oeufs au lait de Maigret et le corps sans tête.

C’est tout ?

Vous pouvez ajouter le macaroni farci de truffes noires, artichaut et foie gras que sert Eric Frechon au Bristol. Il est presque aussi bon que celui que cuisinait ma femme à la maison, 132, boulevard Richard-Lenoir.

Un lieu pour vous ressourcer ?

J’y suis fixé depuis ma retraite : Meung-sur-Loire, dans le Loiret.

Votre devise ?

« Comprendre et ne pas juger. »

Vous en avez une de rechange ?

« Il n’y a pas de justice. »

L’affaire qui vous a donné le plus de fil à retordre ?

Dans Une confidence de Maigret

(1959), je me suis battu seul contre tous et je n’ai pas réussi à empêcher un innocent d’être arrêté et guillotiné. Un autre grand regret de ma vie.

Celle qui vous a appris le plus de choses ?

J’ai aimé découvrir le fonctionne­ment de la justice américaine dans

Maigret chez le coroner.

Quelle est votre méthode ?

Rester comme une éponge à m’imprégner lentement de tout ce qui suinte autour de moi.

Votre arme favorite ?

Le silence.

Quelle est la partie la plus pénible de vos fonctions ?

Témoigner devant la cour d’assises. Je ressens chaque fois la même angoisse dans cet univers abstrait, hiératique, à la fois solennel et saugrenu de la justice où une vie humaine est soudain réduite à quelques phrases. Je suis heureux d’avoir été policier plutôt que magistrat. Ainsi, je n’ai pas eu à trancher de tête.

Le film qui a donné la meilleure image de vous ?

La Nuit du carrefour, de Jean Renoir, en 1932.

Votre idéal amoureux ?

L’union monogamiqu­e indissolub­le et définitive de l’homme et de la femme.

Un dernier mot ?

Mme Maigret m’attend.

Propos recueillis au 36, quai des Orfèvres, devant une blanquette de veau, par Sébastien Lapaque

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