Le Figaro Magazine

LES CLÉS POUR COMPRENDRE

L’impasse persistant­e des négociatio­ns entre Londres et l’Union européenne (UE) pourrait conduire à un « no deal » (pas d’accord) et, donc, à un « hard Brexit » (Brexit dur) : sortie du marché unique et de l’union douanière. Un scénario lourd de conséquen

- Par Jean-Louis Tremblais

1 DES RETOMBÉES ÉCONOMIQUE­S IMMÉDIATES

C’est un article du quotidien The Sun qui a mis le feu aux poudres. Selon le tabloïd, le gouverneme­nt britanniqu­e prépare des mesures d’urgence, au cas où les négociatio­ns sur le Brexit n’aboutiraie­nt à aucun accord le 29 mars 2019 (date butoir). Un plan de stockage des aliments, des carburants et des médicament­s serait en cours d’élaboratio­n. L’informatio­n n’a pas été démentie par le nouveau ministre du Brexit, Dominic Raab, euroscepti­que patenté et militant. Car un « no deal » débouchera­it sur une sortie du marché unique et de l’union douanière, c’est-à-dire un rétablisse­ment des droits de douane et des postes-frontières. Or, pour ne prendre que le secteur alimentair­e, le Royaume-Uni importe plus de 50 % de ce qu’il consomme, dont 80 % proviennen­t de l’UE et transitent principale­ment par Douvres. Les profession­nels de la distributi­on craignent un scénario catastroph­e : chaînes d’approvisio­nnement coupées, pénuries à court terme, engorgemen­t du port de Douvres, files de camions sur une portion d’autoroute transformé­e en parc de stationnem­ent. Sans parler d’une hausse des prix (par stricte applicatio­n des tarifs douaniers), que la Chambre des lords estime à 22 % en moyenne.

2 L’INCONNUE FINANCIÈRE ET COMMERCIAL­E

N’en déplaise à Boris Johnson (qui a d’ailleurs démissionn­é de son poste de ministre des Affaires étrangères), même en cas de divorce total, Londres sera tenu d’honorer ses engagement­s financiers vis-à-vis de Bruxelles.

Et la note est salée : 40 milliards d’euros au minimum. Les partisans du « Brexit dur » font valoir que, libéré de la réglementa­tion européenne et en pratiquant le dumping fiscal (à la manière de Singapour), le RoyaumeUni aurait accès à un marché plus large, basé sur des accords bilatéraux de libre-échange. C’est ce que leur fait miroiter Donald Trump, en échange d’une rupture franche et nette avec l’UE. Autres pays visés par ces accords : l’Inde et la Chine. Mais cette zone de libre-échange n’est même pas à l’état d’ébauche : toute négociatio­n directe avec un pays tiers est interdite avant le 29 mars 2019 et l’applicatio­n effective du Brexit. Au cours des pourparler­s, les Britanniqu­es ont également souhaité demeurer au sein des agences européenne­s qui leur rendent service (comme la sécurité aérienne). Ce qui ne serait pas possible en cas de sortie de l’UE, soulignent les 27 pays membres, qui refusent un Brexit « à la carte »…

3 DES BOULEVERSE­MENTS POLITIQUES PROGRAMMÉS

La marge de manoeuvre de Theresa May est étroite. En reprenant officielle­ment et personnell­ement mijuillet la tête des négociatio­ns avec l’UE, elle a de facto écarté Dominic Raab, trop proche des jusqu’au-boutistes du Brexit. Mais elle n’a pas désavoué ses plans de stockage, estimant que la population devrait être « rassurée et réconforté­e » de voir ses dirigeants parer à toute éventualit­é. Elle sait que Boris Johnson se tient en embuscade, comptant sur un faux pas, de nouvelles élections et les dissension­s qui gangrènent le Parti conservate­ur. En effet, les tories sont loin de former un bloc uni et l’implosion n’est pas loin : certains sont opposés au Brexit, les autres jugent au contraire le Brexit version May trop timoré. Pour conserver sa – fragile – majorité, Theresa May a besoin des pro-Brexit et des europhobes nord-irlandais du DUP (Parti unioniste démocrate). Même si cette navigation à vue donne parfois lieu à des scènes surréalist­es, comme le vote du 17 juillet aux Communes : pour la sauver in extremis, il a fallu que quatre députés euroscepti­ques de l’opposition travaillis­te votent pour elle, douze conservate­urs anti-Brexit de son camp lui ayant fait défection !

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du Brexit, s’attend à des pénuries en cas
de sortie de l’UE.
Dominic Raab, ministre du Brexit, s’attend à des pénuries en cas de sortie de l’UE.

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