Le Figaro Magazine

LA CHRONIQUE

de François d’Orcival

- LA CHRONIQUE DE FRANÇOIS D’ORCIVAL

Air France, le salaire annuel du futur patron, qui alimente déjà la polémique, ne coûtera pourtant que sept à huit fois moins cher qu’un seul jour de grève !

Les quinze jours de blocage du premier semestre sont en effet évalués à 335 millions d’euros

– entre 22 et 24 millions par jour selon la période. Un conflit (sur les salaires) qui a conduit à une crise au sommet, à la démission du PDG, à la mise en place d’une présidence par intérim, assurée par Anne-Marie Couderc (grande experte de ce genre de situation), et à la nomination, le 16 août, du prochain président, Benjamin Smith… Et là, scandale !

Les syndicats sont vent debout, et pas seulement eux…

Parce qu’il est étranger ! (Argument absurde, c’est Air France qui doit rester français.) Et surtout à cause de son salaire. Ah, l’argent ! Le député UDI de la Meuse, Bertrand Pancher, plutôt familier de l’agricultur­e, de l’écologie et du chemin de fer, trouve ça « troublant » et même « choquant »

(Le Parisien, 17 août). Benjamin Smith ne figurait pas dans la sélection initiale des candidats. Réflexe bien français, le futur patron d’Air France devait être si possible énarque, orfèvre en relations sociales et coulisses du pouvoir, et mieux, en fin de carrière, pour ne pas coûter trop cher. Le candidat idéal du syndicat des pilotes ! Son « lider maximo »

(dixit Laurent Berger), Philippe Evain, pouvait continuer à diriger la compagnie… Quand Bruno Le Maire, chargé du dossier en lien étroit avec Emmanuel Macron, vit la liste, il fut incrédule.

Où étaient la compétence et l’expérience du transport aérien mondial ? Certes, lui dit-on, mais débaucher un « bon », et le convaincre de prendre les commandes d’une compagnie malade de ses rhumatisme­s syndicaux, c’est cher. Eh bien, on fait le pari : le pilote sera donc un homme de 46 ans, avec quatorze années de performanc­es à Air Canada. Sa rémunérati­on est élevée, mais sa part fixe n’est que d’un tiers, contre deux tiers variables, indexés sur le redresseme­nt de la compagnie.

C’est le même pari que les salariés d’Air France devraient faire, en réclamant eux aussi d’être associés, par l’intéressem­ent, au succès de leur entreprise. Qu’est-ce qui est le plus scandaleux : payer un patron au prix du marché, ou perpétuer 380 millions de pertes d’exploitati­on, dont 335 pour faits de grève, soit cent fois la rémunérati­on de celui qui peut piloter sa survie…

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