Le Figaro Magazine

LES YEUX AU FIL DE L’EAU

Grâce à des associatio­ns comme Millière Raboton, homme de Loire, des balades en barque traditionn­elle offrent une vue unique sur le fleuve sauvage et ses châteaux.

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Les deux bateaux dérivent lentement, suivant docilement le courant. Le vent doux caresse à peine la voile carrée qui bâille sans inquiéter les sternes naines et les hirondelle­s des sables qui nichent sur les îles ou les talus des rivages. Le ciel vire lentement à l’orange et au mauve. Ce soir, le soleil va s’effacer dans un grand incendie embrasant le ciel. Dans l’axe de la poupe se dessine le château d’Amboise, majestueux et tranquille. La vue, imprenable, est magique. Comme une réponse à la hauteur du panorama qu’offrent l’édifice et son parc, ouvrant une perspectiv­e splendide sur le fleuve sauvage qui façonne le Val de Loire.

« Sur l’eau, ce n’est pas une vue, mais cent que vous captez chaque jour », commente Philippe Gautier, l’un des responsabl­es de Millière Raboton, homme de Loire qui entraîne quelque 6 000 personnes chaque année sur le fleuve. Avec sept bateaux traditionn­els, les toues, des barques de 10 mètres à fond plat supportant un mât à voile carrée, l’équipe de passionnés a pour ports d’attache Amboise et Chaumont. Comme la plupart des membres de l’associatio­n créée en 2001, Philippe Gautier a rejoint le projet Millière Raboton pour le charisme de son fondateur, Jean Ley, figure locale décédée aujourd’hui et passionnée du fleuve. « Tout vient de la Loire, ici, le patrimoine de la région a été façonné par elle », résume Philippe qui fut guide-conférenci­er du château d’Amboise pendant trente-trois ans. Alors que le pilote s’approche lentement des huttes de castors dans l’espoir d’en apercevoir, Philippe rappelle que, sur une grande partie du fleuve, des péages permettaie­nt aux châteaux de vivre richement. « Il y en a eu jusqu’à 120 depuis Orléans. Amboise, pour sa part, a abrité jusqu’à sept ports ! La Loire était un axe commercial stratégiqu­e. »

On écoute, mais surtout on observe. Les fonds plats des bateaux permettent de s’approcher des îles et de voir glisser dans l’eau les ragondins à la recherche de nourriture entre les herbes hautes qui colonisent les rives, à la fin de l’été. « Chaque balade est une invitation aux découverte­s et rencontres inattendue­s. Suivant le jour ou la saison, c’est la Loire qui décide de nous dévoiler ce qu’elle désire… » Philippe Gautier en parle comme d’un être vivant doué d’intelligen­ce. Pour lui, les meilleures heures restent celles du petit matin. Le fleuve se drape de gris-bleu et de brumes flottant au ras de l’eau, amplifiant les chants des oiseaux dont les ailes claquent dans la fraîcheur du jour nouveau. Le soir, la douceur de l’air et l’évaporatio­n filtrent une lumière tendre qui transforme les pierres de tuffeau, identité des façades blanches des châteaux de la Loire, en miroirs vieux rose et crème. Sur le bateau pouvant accueillir une douzaine de personnes, le silence se fait alors respectueu­x. Les bouches se ferment et les yeux lisent les mots doux que la Loire leur écrit en vibrations de lumières. Millière-Raboton, homme de Loire (06.88.76.57.14 ; Milliere-raboton.net).

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Depuis la Loire, une vue imprenable sur le château d’Amboise

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