LES RENDEZ-VOUS
de J-R Van der Plaetsen
Comme le dit la rumeur, elle ne boit que du champagne. En revanche, elle avait ce jour-là renoncé à porter un chapeau, contredisant ainsi une légende tenace. Comme bien des stars, Amélie Nothomb va jusqu’au bout de ses envies. L’excentricité est à la fois sa manière et sa matière, jusque dans son oeuvre, qui fait coexister le classicisme de l’écriture avec un univers romanesque étrange, souvent proche du fantastique, où les êtres sont presque toujours déréglés, pervers ou souffrants. Avec sa compatriote Marguerite Yourcenar et le regretté Jean d’Ormesson, elle fait partie d’un rare trio, celui des écrivains qui possèdent leur effigie de cire au musée Grévin.
Amélie Nothomb publie en cette rentrée Les Prénoms épicènes, son 27e roman depuis le fameux Hygiène de l’assassin, paru en 1992. Et elle entend bien continuer à faire paraître un titre par an. « L’inspiration est une cicatrice. Il faut donc qu’elle saigne toujours, dit-elle joliment. Je finis mon 93e roman. Ce n’est pas une pose de ma part, mais une nécessité absolue. » En somme, elle ne publie qu’un tiers de ce qu’elle écrit. Mais elle répond toujours au volumineux courrier de ses lecteurs. Avec, cependant, une restriction : « Je ne réponds pas aux mails. Il faut m’écrire sur papier. » A de menus détails de ce type, on observe qu’elle a gardé de son père ambassadeur le goût des usages et des bonnes manières.
Il n’y a pourtant rien de tout cela dans son dernier roman, qui appartient à la veine d’Hygiène de l’assassin, c’est-à-dire la meilleure. On y découvre des êtres qui font froid dans le dos, rongés par le complexe d’OEdipe, aveuglés par leur désir de vengeance, quand ils ne sont pas tout simplement détruits par la conception erronée qu’ils se font de l’amour. « La personne qui aime est toujours la plus forte », écrit Amélie Nothomb à la fin de son roman. A la lire, on jurerait plutôt le contraire.
“A l’âge de cinq ans, Epicène sut qu’elle n’aimait pas son père” LES PRÉNOMS ÉPICÈNES, d’Amélie Nothomb. Albin Michel, 160 p., 17,50 €.