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ÇA SE COMPLIQUE POUR EMMANUEL MACRON

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- Par Carl Meeus

Rien ne se passe jamais comme prévu. S’il est une seule leçon qu’Emmanuel Macron aurait dû retenir du quinquenna­t de François Hollande, c’est bien celle-ci : la rentrée de septembre apporte toujours son lot de mauvaises surprises qui mettent à mal la stratégie du chef de l’Etat. L’annonce de la démission de Nicolas Hulot, mardi matin sur France Inter, est venue torpiller la communicat­ion de rentrée du gouverneme­nt. Tout comme l’expression « ras-le-bol fiscal » de Pierre Moscovici en août 2013, ou la sortie du livre de Valérie Trierweile­r, Merci pour ce moment (Les Arènes), en septembre 2014, avaient percuté celles de François Hollande. Certes, la démission du numéro deux du gouverneme­nt était attendue. Nicolas Hulot avait annoncé qu’il se donnait l’été pour réfléchir à son avenir au sein de cette équipe. Même si, aujourd’hui, Edouard Philippe, le Premier ministre, ou Benjamin Griveaux, le porte-parole du gouverneme­nt, insistent sur le bilan « très positif » de son année parmi eux, même si, au gouverneme­nt, on assure « ne pas bien comprendre », tous les indices concordaie­nt pour l’annonce prochaine d’un départ.

Quelles que soient les raisons de fond invoquées par Nicolas Hulot, la forme de sa démission aggrave ce qui a toutes les apparences d’une crise gouverneme­ntale. Hulot n’a, il l’a reconnu mardi matin, prévenu de sa déci-

“Quand les malheurs arrivent, ils ne viennent pas en éclaireurs solitaires, mais en bataillons”, dit le roi Claudius dans “Hamlet”.

Ce que Jacques Chirac a traduit par “les emmerdes, ça vole toujours en escadrille”.

sion ni le Premier ministre ni le président de la République ! « Personne n’était au courant », confirme un membre du gouverneme­nt. Or, Nicolas Hulot n’était pas qu’un simple ministre au rang protocolai­re insignifia­nt. Il était numéro trois du gouverneme­nt, avec rang de ministre d’Etat ! C’était aussi la « tête de gondole » du gouverneme­nt. La plus belle prise d’Emmanuel Macron ! Une star, l’homme le plus populaire auprès des Français. Celui qui avait dit non à Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande ! Depuis mardi, il est devenu celui qui claque la porte au bout d’un peu plus d’un an, utilisant des arguments qui compliquen­t la tâche du président de la République dans la mesure où il dénonce la puissance des lobbys au coeur du pouvoir. Plus globalemen­t, il porte sur le « nouveau monde » promis par Emmanuel Macron un regard implacable, le renvoyant aux pratiques de l’« ancien monde ».

BAISSE DE LA COTE DE MACRON EN TROIS ÉTAPES

« Quand les malheurs arrivent, ils ne viennent pas en éclaireurs solitaires mais en bataillons », faisait dire Shakespear­e au roi Claudius dans Hamlet. Ce que Jacques Chirac a, plus prosaïquem­ent, traduit par son fameux : « Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille. » Emmanuel Macron peut confirmer cet adage, qui n’a pas pu profiter de la victoire des Bleus à la Coupe du monde de football en juillet dernier. A peine les crampons déchaussés, la coupe admirée, l’affaire Benalla est venue perturber la communicat­ion de l’Elysée et montrer la faiblesse du dispositif politique mis en place depuis un an. Alexandre Benalla, adjoint au chef de cabinet de l’Elysée, a été mis en examen le 22 juillet. La révélation par Le Monde qu’il avait participé, au milieu des CRS, au maintien de l’ordre lors des manifestat­ions du 1er Mai, brutalisan­t des manifestan­ts à Paris, a provoqué une crise politique qui n’est pas terminée. D’autant que les révélation­s se sont succédé sur la façon pour le moins curieuse dont l’Elysée avait géré cette affaire, minimisant son impact, protégeant celui qui avait assuré la protection rapprochée du candidat à l’élection présidenti­elle. La commission d’enquête du Sénat, présidée par Philippe Bas, reprendra ses auditions fin septembre, ce qui devrait remettre les feux de l’actualité sur ce dossier complexe. Cette affaire n’aurait pas pris cette importance si elle n’était pas venue confirmer une distorsion croissante entre les promesses du candidat Macron et l’exercice du pouvoir du président Macron. Avec elle, la « République exemplaire » vantée en 2016-2017 aura connu une sérieuse entorse dès la première année de pratique du pouvoir. Elle a surtout contribué à brouiller encore davantage l’image du président de la République auprès de son électorat.

La baisse de la cote de confiance d’Emmanuel Macron se fait en trois étapes. Assez rapidement, les électeurs socialiste­s qui l’avaient rejoint dès le premier tour de l’élection présidenti­elle s’éloignent de lui. Pour eux, il n’est pas assez progressis­te. En juin dernier, ce sont les électeurs de droite qui commencent à prendre le large. Au bout d’un an de mandat, ils ne trouvent pas leur compte, malgré des débuts qu’ils jugeaient encouragea­nts. Ils sont déboussolé­s par un président qui recadre

un gamin fredonnant L’Internatio­nale et l’appelant Manu au Mont-Valérien, le 18 juin, puis reçoit trois jours plus tard dans un bureau de l’Elysée le DJ Kiddy Smile et pose en photo avec celui-ci, qui arbore, pour protester contre la loi asile-immigratio­n, un tee-shirt avec l’inscriptio­n « fils d’immigrés, noir et pédé » !

La troisième étape semble commencer en cette rentrée et elle est peut-être plus dangereuse pour Emmanuel Macron. Les sympathisa­nts de la République en Marche commencent eux aussi à avoir des doutes sur l’homme et sa politique. La croissance en berne, le chômage qui ne baisse pas, le pouvoir d’achat qui stagne, une impression de déséquilib­re dans les efforts demandés aux Français : tous ces éléments se combinent pour créer un climat d’attente et de frustratio­n. Alors que, jusqu’ici, l’Elysée comme Matignon pouvaient se féliciter que les électeurs du Président lui restaient fidèles, la dernière livraison du baromètre Kantar Sofres pour le Figaro Magazine (lire p. 22) montre que des fissures apparaisse­nt dans ce bloc. La cote de confiance d’Emmanuel Macron baisse de 6 points auprès des sympathisa­nts LREM. Elle reste certes à un niveau encore élevé (84 %), mais on note un bond de 11 points chez ceux qui ne lui font pas confiance. Cet incident n’est pas anecdotiqu­e. Il vient confirmer, au coeur même de ses soutiens, les doutes sur le chef de l’Etat. Au point que la montée de ses opposants (Mélenchon, Hamon, Baroin, Hollande, Wauquiez) se fait en partie grâce aux sympathisa­nts LREM qui sont plus nombreux à leur faire confiance ! Si même le socle commence à se fissurer…

VERS UN REMANIEMEN­T PLUS LARGE ?

Pour autant, au sein du gouverneme­nt, on se veut serein. Benjamin Griveaux, par exemple, n’est pas plus « inquiet » après la démission de Nicolas Hulot qu’il ne l’était la veille de son annonce. Le porte-parole du gouverneme­nt estime qu’il « y aura des polarisati­ons politiques sur le dossier des retraites ou sur le débat sur l’Europe, mais pas sur la démission de Nicolas Hulot ». Pour autant, cette démission vient s’ajouter aux difficulté­s déjà connues et ne facilite pas la tâche du Président. Emmanuel Macron peut aussi espérer en profiter pour rebondir politiquem­ent. « En politique, il faut être en mouvement », explique un de ses proches. Le chef de l’Etat peut utiliser ce départ pour modifier l’architectu­re de son équipe et faire sortir les « maillons faibles », à l’instar de Françoise Nyssen. La ministre de la Culture n’a pas convaincu à son poste et se trouve affaiblie par l’affaire de l’agrandisse­ment des locaux d’Actes Sud, la maison d’édition qu’elle a dirigée, et pour laquelle le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminai­re.

Au cours de la campagne présidenti­elle, Emmanuel Macron s’était confié à l’écrivain Philippe Besson pour le livre qu’il allait publier après l’élection. Interrogé sur les sondages, celui qui allait faire son entrée à l’Elysée reconnaiss­ait : « J’essaie de tout accueillir avec calme. Le problème, c’est que les sondages se retournent. La clé, c’est de savoir tenir dans les moments de retourneme­nt. »

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L’affaire Benalla a été la première crise politique de l’été à affaiblir le chef de l’Etat.
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En visite d’Etat au Danemark, le Président se laisse le temps de la réflexion avant de remanier le gouverneme­nt.
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Si le remaniemen­test plus large, Françoise Nyssenpour­rait perdre son portefeuil­le dela Culture.

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