Le Figaro Magazine

LA PAGE HISTOIRE

de Jean Sévillia

- LA PAGE D’HISTOIRE DE JEAN SEVILLIA

Trois jours après que les Tuileries eurent été prises d’assaut, en août 1792, la famille royale, déchue, était conduite au Temple. Elle devait y loger dans le donjon médiéval qui était inutilisé depuis des lustres. Dans ce lieu sinistre sont donc enfermés Louis XVI et Marie-Antoinette, Madame Elisabeth, la soeur du roi, ainsi que les deux enfants royaux, Louis et sa soeur Marie-Thérèse. Le roi, la reine et Madame Elisabeth finiront sur l’échafaud, tandis que le petit Louis XVII, n’ayant pas résisté aux mauvais traitement­s, mourra de maladie et d’épuisement. Seule la fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette, remise aux Autrichien­s au début du Directoire, survivra à la Révolution. Entre le 13 août 1792, date de l’incarcérat­ion des Bourbons au Temple, et le 19 décembre 1795, jour du départ de Marie-Thérèse, plus de trois années se sont écoulées. Un laps de temps plus long que la Convention, plus long que la dictature de Robespierr­e ou que la Terreur elle-même. La captivité de la famille royale forme par conséquent une séquence historique en soi, dotée d’une logique propre qui interagit avec le développem­ent de la Révolution. C’est à analyser cette relation que s’est attaché CharlesElo­i Vial, un jeune historien dont les premiers travaux – une étude de la Cour à la fin de la monarchie et une biographie de Marie-Louise étaient extrêmemen­t prometteur­s. Sur un sujet en apparence rebattu – qui ne connaît les adieux de Louis XVI à sa famille, le départ de Marie-Antoinette pour la Concierger­ie ou le martyre de Louis XVII, scènes déchirante­s qui ont eu le Temple pour cadre – l’auteur, recourant à des archives inexploité­es, parvient encore une fois à offrir des perspectiv­es nouvelles en reconstitu­ant la vie des prisonnier­s royaux, mais également l’enjeu politique qu’ils ont représenté jusqu’au bout. Au-delà de leurs fautes personnell­es, Louis XVI et les siens ont en effet été condamnés non pour ce qu’ils avaient fait, mais pour ce qu’ils étaient. Leur captivité a donc été le révélateur d’un système prêt à broyer tous les Français aspirant à la liberté. « Ce rapport entre l’intérieur et l’extérieur de la prison, souligne Charles-Eloi Vial, est essentiel à comprendre : la détention au Temple est l’envers de la Révolution. » Une remarquabl­e leçon d’histoire.

La Famille royale au Temple. Le remords de la Révolution, 1792-1795, de Charles-Eloi Vial, Perrin, 432 p., 25 €.

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