BERTRAND SCHEFER
L’enfant volé
Dans la France des débuts de la Ve, l’affaire fit grand bruit : l’enlèvement, le mardi 12 avril 1960, en fin d’après-midi, d’un enfant de 4 ans. Eric Peugeot, héritier de la famille de constructeurs automobiles. Après qu’une coquette rançon aura été versée, il sera retrouvé deux jours plus tard, mais il faudra attendre de longs mois et l’arrestation de deux petits malfrats (et d’un complice, ainsi que de leurs maîtresses, parmi lesquelles une splendide créature venue du froid se prétendant Miss Danemark…) pour connaître le fin mot de l’histoire. La littérature était venue cette fois-ci au secours du réel, et non l’inverse, puisque c’est la lecture d’une « Série noire » américaine qui avait donné aux deux godelureaux l’idée de leur forfait… Aujourd’hui, retour à l’envoyeur avec ce roman de Bertrand Schefer, qui réinvestit brillamment le territoire du fait divers. Porté par une enquête au long cours, l’auteur, en matière de vérité, s’intéresse d’abord à celle des êtres. Il accompagne le long de leur chemin de perdition, de Copenhague aux palaces parisiens et à la Côte d’Azur, les amants magnifiques et navrants que furent Robert Rolland, l’un des deux ravisseurs, beau gosse style nouvelle vague, et sa reine de beauté scandinave. On y croise aussi Sagan, Pauvert, Antonioni, Anna Karina ou Truffaut. Ce « requiem pour des losers » est d’un beau noir profond. Un noir d’époque.
Olivier Mony
Série noire, P.O.L, 171 p., 17 €.