GWENAËLE ROBERT
Autopsie d’un meurtre
Qui veut la peau (malade) de Marat ? Dans la France terrorisée de l’été 1793, ils sont nombreux à rêver de mettre fin aux jours de celui qui fait perdre la tête au pays et à tant de ses citoyens « suspects ». Immergé dans son bain quotidien de soufre, veillé par sa vestale Simone Evrard, le directeur de L’Ami du peuple envoie à l’échafaud, chaque jour ou presque que l’Etre suprême fait, coupables et innocents, hommes et femmes, prêtres et révolutionnaires, aristocrates et artisans – il suffit parfois d’une dénonciation, d’un mot, d’une lettre… Comme 350 ans plus tôt, c’est une femme qui sauvera la France de cette folie-là : Marie-AnneCharlotte de Corday d’Armont, une jeune aristocrate de 25 ans qui vient de Caen et descend de Corneille. Mais cela aurait pu en être une autre : par exemple, cette Anglaise venue venger la mort de son père et qu’observe chaque jour à travers son oeil-de-boeuf un ancien moine bénédictin qui a préféré abjurer sa foi que rejoindre tout de suite le royaume céleste…
Mêlant avec une virtuosité délicate vérité historique et imagination romanesque, Gwenaële Robert a choisi de narrer les derniers jours de Marat et sa glorieuse et mensongère mise au tombeau picturale signée David par l’entremise d’une ronde – macabre, pré-Schnitzlérienne, saisissante. Héros et salauds se croisent dans le chaos d’un Paris livré à ses mauvais démons. Parfois, ils se connaissent ou se reconnaissent, parfois non. On passe vite d’un lieu à l’autre, d’une figure à l’autre, d’un tempérament à l’autre. On est, le matin, dans le club agité des Cordeliers, à midi à la Conciergerie, au chevet de Marie-Antoinette, le soir dans la baignoire-sabot noire du monstre, la nuit dans la chambre modeste de sa meurtrière. Ecriture sèche, vive, tranchante comme la lame d’un couteau sur Marat levé le 13 juillet 1793, « à sept heures après-midi ». Jean-Christophe Buisson
Le Dernier Bain, Robert Laffont, 233 p., 18,50 €.