Le Figaro Magazine

MARK GREENE

Une femme disparaît

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Vous ne connaissez pas Mark Greene ? Normal : ce grand discret, né à Madrid d’une Bourguigno­nne et d’un Américain, ne squatte pas plus les talk-shows que les banquettes du Café de Flore. Son temps, il le donne à ses rêveries, autant dire à ses romans, seulement six en quatorze ans. Une oeuvre rare, mais forte de son élégance, riche d’une profondeur qui filtre avec la mélancolie d’un imaginaire qui ne saurait parler aux Rastignac connectés aujourd’hui : les flippers au fond des salles enfumées, l’anonymat des Grands Boulevards, ses passages couverts, ses petits commerces d’occasions, le charme rauque des joueuses de Tekken, les après-midi passés sous des plafonds de laque noire. Qu’est-ce qu’une époque ? Comment traverse-t-on l’empilement des années ? Qu’en retient-on lorsque vient le jour où l’on contemple la décennie 80 comme de l’intérieur d’un bocal ? Sur ces questions Greene étaye une histoire d’altitude et de vertige, de mort et de résurrecti­on : un couple retrouvé sans vie, les corps attachés l’un à l’autre, au coeur des Dolomites, une femme qu’on croyait disparue, et qui resurgit des « vacances éternelles » d’une jeunesse à jamais enfuie. « Rien n’est plus beau dans la jeunesse que l’étendue du gâchis […] La jeunesse est un lent bûcher, où brûle ce qu’on a de meilleur », fait-il dire à son double dans ce jeu de piste précis comme un jeu de go. Ecrire, dès lors, devient une opération alchimique : offrir le passé au tamis du style et faire des cendres obtenues l’or d’un grand livre. E. B.

Federica Ber, Grasset, 208 p., 18 €.

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