PATRICE PLUYETTE
Eloge de l’émerveillement
S’éveiller un matin doté d’un regard neuf. Ce rêve de blasé en mal de plaisirs s’invite dans la vie jusqu’alors sans surprises d’un retraité de l’Ile-de-France. A 75 ans passés, monsieur Henri se retrouve saisi d’une passion pour ce qui l’entoure. Que ce soit la forme d’une chaise, les stimulations de la lumière sur l’herbe ou les traces d’oiseaux, tout l’intrigue. De sensation en sensation, sa frénésie accouche d’une irrésistible question : qu’y a-t-il derrière le mur du jardin ? Saisi d’une impatience grandissante à l’idée d’arpenter un monde encore plus varié, il parvient à entraîner son voisin et son docteur dans son périple d’explorateur néophyte. Un but sert de carburant au voyage : la vallée des Dix Mille Fumées, une chaîne volcanique située en Alaska. « En s’intéressant au volcan, c’est à l’origine de la création du monde et du vivant qu’il s’intéressait – c’est-à-dire au commencement, quand tout éclate, quand tout surgit du fond de la terre – et qu’il touchait ainsi du doigt l’essentiel, se sentant lui-même comme un volcan prêt à exploser… » De son année en résidence au Muséum national d’histoire naturelle de Paris, Pluyette a tiré le meilleur parti qui soit, un poétique parti pris des choses, pourrait-on dire. Il y a du Ponge, en effet, dans sa volonté d’inventorier avec fantaisie et bonheur un monde toujours déconcertant. « Tout reste à découvrir, c’est juste la façon de voir qui change. » L’émerveillement n’est-il pas la cerise sur le gâteau de l’intelligence ? La Vallée des Dix Mille Fumées, Seuil, 318 p., 19 €.