Le Figaro Magazine

LA CHRONIQUE

Pour réformer, le chef de l’Etat a choisi le recours à la loi. En un semestre de 1958, plus d’une ordonnance par jour a été signée !

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de François d’Orcival

Il faut se transforme­r à mesure et profondéme­nt », disait déjà de Gaulle, et non pas « réformer » : « transforme­r », comme Emmanuel Macron tente de le faire.

En ce soixantièm­e anniversai­re de la Constituti­on de la Ve République, promulguée le 4 octobre 1958, on dirait que le Général n’avait procédé qu’à la transforma­tion des institutio­ns.

Ce fut en réalité une réorganisa­tion générale, comme on n’en avait pas vu depuis le Consulat !

Par quel procédé ?

Le recours aux ordonnance­s.

« Jamais, sous aucun gouverneme­nt, sous aucune République, écrit Georgette Elgey (dans sa monumental­e Histoire de la IVe République, Bouquins – lire l’article de Jean Sévillia, dans notre numéro du 14 septembre),

le recours aux ordonnance­s n’a atteint l’ampleur qui est la sienne en 1958, plus d’une par jour : 335 en 290 jours ». Tout est réorganisé : la justice, la scolarité, la recherche scientifiq­ue, l’enseigneme­nt médical, l’hôpital (avec la création des CHU), etc. jusqu’à l’électronuc­léaire ou les autoroutes… De Gaulle avait demandé les pleins pouvoirs à l’Assemblée nationale d’une IVe République à l’agonie ; il avait obtenu six mois. Il les utilise au pas de charge pour conduire cette refondatio­n en même temps que la guerre d’Algérie et le redresseme­nt des finances publiques (avec le plan Rueff).

S’il y parvient, c’est grâce à une poignée d’hommes de confiance : Pompidou, son directeur de cabinet, Debré, son garde des Sceaux, Pinay, aux Finances, Couve de Murville, aux Affaires étrangères. Quand il est élu premier président de la Ve République, l’essentiel est accompli. Emmanuel Macron a eu la même ambition.

Son élection, confirmée par les législativ­es, lui a aussi donné les pleins pouvoirs. Il les avait pour au moins deux ans (jusqu’aux élections européenne­s), en face d’une opposition éclatée, et d’un front syndical affaibli.

Il a lancé toutes ses forces pour 5 ordonnance­s de réforme du code du travail… Ensuite, il est passé par la loi ; tout s’est ralenti. Un an après, il n’a pas les résultats qu’il espérait, et le gros des réformes qu’il veut entreprend­re (assurance chômage, retraites, dépenses) est menacé d’enlisement. Il se heurte aux sondages, aux habitudes, à une opposition qui se relève. « Je suis pour le mouvement, disait de Gaulle quand ça traînait, n’oubliez pas que je suis officier de char. » Macron aussi est impatient, mais il n’a pas été officier de char.

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