Le Figaro Magazine

LE THÉÂTRE

Avant « Le Misanthrop­e », bientôt à Paris, le metteur en scène allemand Peter Stein réunit Pierre Arditi et Jacques Weber dans un « Tartuffe » qui n’est pas évident pour tout le monde.

- LE THÉÂTRE DE PHILIPPE TESSON

de Philippe Tesson

Il y a de très bons spectacles. Il y a de très mauvais spectacles. Il y en a d’honnêtes. Il y en a d’inutiles. C’est dans cette dernière catégorie que nous classerons Le Tartuffe de Peter Stein qui se donne à la Porte Saint-Martin. Inutiles, c’est-à-dire qu’ils n’apportent pas grand-chose et qu’ils déçoivent d’autant plus qu’on en attendait beaucoup. Peter Stein, en effet, ce n’est pas rien. Arditi et Weber, ce n’est pas rien. Tartuffe et Orgon non plus, ce sont des rôles dont la représenta­tion ne supporte pas la banalité. Or, c’est cette impression de banalité que nous avons ressentie devant une mise en scène que nous oublierons au profit des magnifique­s souvenirs que nous laissent celles de Jouvet, de Planchon, de Vitez, de Lassalle, etc. Le problème est simple : que veut nous dire Peter Stein ? Où sommes-nous, dans la comédie humaine ou dans le drame ? Certes, Molière a beaucoup de choses à nous dire, et sa générosité naturelle, sa prolixité, et surtout le contexte politique qui le força à remanier plus d’une fois ce Tartuffe et à l’allonger expliquent le caractère hybride de cette oeuvre où se mêlent tous les registres. Il n’en est pas moins vrai qu’on ne comprend pas très bien, à travers ce que nous propose le metteur en scène, les ressorts intimes, les motivation­s profondes qui commandent la conduite de Tartuffe et celle d’Orgon. Chez l’un comme chez l’autre, on ressent une sorte d’indifféren­ce au drame qui se joue entre eux et dont ils sont les acteurs. Et même une indifféren­ce de l’un à l’autre. Leur relation semble assez limitée. Leur relation à Dieu également, elle passe quasiment inaperçue. Les deux héros manquent de mystère, d’ambiguïté, d’allure également, Pierre Arditi dans son accoutreme­nt négligé, Jacques Weber dans son look Labiche. Ils jouent bien, ils jouent ce qu’on leur demande de jouer, mais sauraient-ils mal jouer ? Ce qui leur fait défaut, c’est d’y croire. Le motif de notre déception est là, dans ce que nous appelons la banalité. Il n’y a pas de vraie passion dans ce spectacle très correct au demeurant. Le décor lui-même est d’une esthétique indétermin­ée, sans relation véritablem­ent légitime avec la pièce. Il pourra servir à nouveau, dans quelque autre production ! Mais en vérité, et au-delà de ces réflexions, une raison plus profonde explique nos réserves. Peter Stein dit quelque part : « Nous sommes tous un peu Tartuffe et Orgon. » Cela est faux, et ce n’est pas le sujet. Il n’a pas vraiment compris Le Tartuffe, de Molière.

Le Tartuffe, de Molière. Mise en scène de Peter Stein. Avec Pierre Arditi, Jacques Weber… Théâtre de la Porte Saint-Martin (01.42.08.00.32).

“Stein n’a pas vraiment compris « Le Tartuffe » ”

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