ALGÉRIE : AVIS DE TEMPÊTE !
C’est l’année de tous les dangers pour un Abdelaziz Bouteflika toujours plus fragile. Depuis quelques mois, les règlements de comptes ont commencé au sommet de l’Etat et la rue algérienne gronde.
1UNE PRÉSIDENTIELLE REPORTÉE ?
Ce 17 septembre, le président Bouteflika a fait une apparition à l’occasion de la visite officielle d’Angela Merkel. Les observateurs assurent que le Président va encore plus mal qu’avant : il n’a pas pu échanger un seul mot avec son hôte. Victime d’un AVC il y a cinq ans, son état se serait détérioré ces derniers mois. Le Président octogénaire, qui fêtera ses 20 ans à la tête du pays en 2019 est censé briguer un cinquième mandat lors des élections prévues au printemps. Mais depuis quelques jours, des rumeurs de dissolution surprise de l’Assemblée nationale courent dans les coursives du pouvoir. Cette dissolution provoquerait le report de la campagne présidentielle. « Nous préférons que le président décède dans l’exercice de ses fonctions », glisse un dignitaire.
Car pour le moment, personne n’envisage de successeur. Le frère du président, Saïd Bouteflika, ne fait de toute façon pas partie des noms cités :
« Les Algériens rejettent massivement l’idée d’une transmission familiale du pouvoir », note un observateur. Le Premier ministre Ahmed Ouyahia est détesté. Restent les jokers d’ouverture : Abdelmadjid Tebboune, ex-Premier ministre limogé en 2017, et l’ancien ministre de la Justice, Ali Benflis.
2L’ARMÉE SOUS TENSION
Dans les régimes autocratiques, certains faits divers annoncent de grandes manoeuvres politiques. Le 29 mai dernier, 701 kilos de cocaïne ont été saisis par les autorités algériennes dans le port d’Oran. Le commanditaire en serait un certain Kamel Chikhi, surnommé
« El Bouchi » (le boucher), car il jouissait jusqu’alors d’un monopole sur l’importation de viande surgelée revendue à l’armée.
Cela a aussitôt mené à l’arrestation de plusieurs hauts gradés, dont les généraux de la Ire, IVe et Ve région militaire, personnages clés du quadrillage du pays. Sont également cités l’ex-directeur des finances du ministère de la Défense, et l’ex-patron de la gendarmerie. Ils ont été déférés au tribunal militaire de Blida.
« Il s’agit de faire porter le chapeau de la corruption à des responsables de l’armée en donnant le sentiment que le gouvernement mène une opération mains propres, mais personne n’est dupe », confie un connaisseur du régime. Au même moment, plusieurs associations ont appelé le général Mediene – dit Toufik –, l’ancien toutpuissant patron des services secrets, démis de ses fonctions par Bouteflika en 2015, à se présenter en 2019.
3LA COLÈRE MONTE
Le 18 septembre, une marche de protestation a été lancée par plus de 10 000 retraités de l’armée à 30 km d’Alger. Ils ont été encerclés par des milliers de gendarmes et ils ont subi plusieurs assauts.
Ces vétérans ne perçoivent plus leurs retraites. L’information, d’abord étouffée, a finalement filtré via les réseaux sociaux. Deux semaines plus tôt, les habitants de la petite ville pétrolière de Ouargla ont manifesté. On lisait sur les banderoles :
« Pourquoi y a-t-il 25 000 chômeurs dans la capitale du pétrole ? »
Même la hausse récente du prix du baril ne paraît plus suffisante pour contenir les bouillonnements de colère. Ce n’est pas seulement la jeunesse qui hurle contre le FLN dans les stades de foot. « Le système avait la légitimité historique, morale – par les promesses du socialisme puis la lutte contre le FIS – et la légitimité financière – par la distribution de la rente pétrolière –, mais il les a perdues toutes les trois »,
résumait Sammy Oussedik, décédé avant l’été, et créateur du site Ibtykar, très actif dans la société civile. Le net est le dernier espoir de changement des démocrates en Algérie. Le seul en réalité, car l’opposition n’a plus de porte-parole.