LES REDRESSEMENTS SERONT PLUS NOMBREUX
Le gouvernement va durcir la traque des fraudeurs grâce aux nouvelles technologies. Les conseils d’Arnaud Tailfer, avocat spécialiste du contentieux fiscal chez Arkwood.
Qu’est-ce qui va changer pour les contribuables ?
Maître Arnaud Tailfer : le texte examiné en procédure accélérée devrait entrer en vigueur avant la fin de l’année. Il permettra la création d’une nouvelle police fiscale sous l’autorité de Bercy. Aujourd’hui, près de 80 enquêteurs travaillent sur les dossiers de fraude fiscale. C’est peu et certains dossiers n’ont pas avancé depuis un à deux ans. Le nombre d’inspecteurs va augmenter.
De quel type de dossiers ces inspecteurs vont-ils se saisir ?
Ils traiteront, comme aujourd’hui, deux types de cas. Les premiers relèvent de fraudes constatées par l’administration fiscale et pour lesquelles elle a déposé une plainte. Les autres dossiers sont ouverts quand le fisc soupçonne une fraude mais n’a pas de preuves, par exemple dans le cas d’un « faux » exilé fiscal. Le contribuable ne le sait pas, mais l’administration enquête sur son cas. Et souvent, il n’en a connaissance que longtemps après, lorsqu’une perquisition ou une garde à vue est organisée. Deux cents dossiers qui relèvent de la fraude fiscale sont ainsi traités chaque année, une moitié relevant du contentieux, l’autre de l’enquête. Ce sera davantage dans les années qui viennent.
A quoi correspond le seuil de 100 000 euros à partir duquel Bercy poursuit un contribuable au pénal ?
Ce seuil correspond à l’impôt que le contribuable n’a pas payé. Jusqu’ici, Bercy pouvait décider de porter plainte ou non. Mille dossiers environ faisaient l’objet d’une plainte chaque année. A l’avenir, ce seuil de 100 000 € figurera dans la loi et Bercy transmettra systématiquement ces dossiers au pénal si le contribuable encourt des pénalités d’au moins 80 % (en cas d’abus de droit ou de manoeuvre frauduleuse). Ou si le redressement prévoit des pénalités de 40 % et si le contribuable en a déjà supporté de semblables au cours des six années précédentes. Il existe environ 14 000 dossiers par an qui suscitent des pénalités d’au moins 40 %, le terrain est vaste !
Etre poursuivi au pénal en sous-évaluant un bien immobilier à l’ISF ou à l’IFI, est-ce possible ?
Oui, le fisc peut décider de pénalités de 40 % s’il considère que la sous-évaluation du bien est forte et que le contribuable en est conscient. Et souvent celui-ci est considéré comme « récidiviste ». Jusqu’alors on pouvait discuter avec l’administration et négocier la pénalité, ce ne sera plus le cas.
Quel est votre conseil ?
Mieux vaut prendre les devants. Les contribuables qui auraient encore des comptes non déclarés à l’étranger ont intérêt à se dévoiler. Ils ont de moins en moins de chances de passer entre les gouttes.
Les nouvelles technologies jouent contre eux ?
Oui, de plus en plus. L’administration, autorisée par le procureur, pourra par exemple demander aux opérateurs internet les données de connexion du contribuable. Une personne qui consulterait un compte bancaire à Singapour pourra ainsi être tracée par son ordinateur ou son téléphone. Même chose pour les non-résidents qui passeraient trop de temps en France.