LA CHRONIQUE
L’extension de la pratique religieuse, observée par les enseignants, est évoquée à mots couverts de peur de stigmatiser l’islam.
de François d’Orcival
Trente appels par jour… Donc bientôt 10 000 par an ? Le ministère de l’Education nationale, qui a mis en place au mois de mai une plate-forme d’écoute destinée aux enseignants désarmés par les conflits scolaires de nature « religieuse », est déconcerté par ce triste succès. Comment l’expliquer ?
Le 11 octobre, Yves Calvi y consacre ses « 6 minutes pour trancher » sur RTL. Il invite un professeur d’histoire-géographie qui enseigne en Seine-SaintDenis (évidemment), et un « spécialiste » de la laïcité.
« Ce que j’observe, dit l’enseignant, c’est l’extension de la pratique religieuse depuis vingt ans. La religion fait entièrement partie de leur vie [des élèves]. C’est un socle structurant pour eux. J’observe une pratique très rigoriste quand les élèves respectent très majoritairement les interdits alimentaires… »
« Le plus problématique, ajoute l’« expert » en laïcité,
c’est la concentration, le repli communautaire. Le vrai problème, c’est l’absence de mixité sociale. » « Absence de mixité culturelle, corrige l’enseignant, cela favorise la ghettoïsation… »
Que faire ? demande Calvi.
« Former les enseignants au fait religieux et aux enjeux de la laïcité », répondent les deux – 74 % des professeurs ne le sont pas.
« Je comprends que vous vouliez être des pompiers de la laïcité, dit Calvi, mais que faites-vous de ceux qui mettent le feu ? »
Réponse : « Il faut développer les principes de la laïcité. »
Bref, on tourne en rond. Au fait, pratique religieuse, rigorisme, interdits alimentaires, de quoi parle-t-on, de quelle religion ?
On le devine, mais personne ne le dit. Peur de quoi ? De « stigmatiser » ou d’être dénoncé ? Comme si un interdit moral pesait sur le mot « islam ».
Or le professeur et le « spécialiste » viennent d’horizons et de sensibilités différents. Le premier, Iannis Roder, qui publie Allons z’enfants… la République vous appelle ! (Odile Jacob), est considéré comme un intégrationniste « trop dur » par Libération ; le second, Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, est un ancien militant des campagnes de Royal et de Hollande. Droite, gauche, même prudence, même conformisme ?
« La France n’a pas de problème avec les religions,
disait Fillon ; elle a un problème avec l’islam. »
Quand on dit laïcité, religion, ghetto, communautarisme, c’est toujours d’islam qu’il s’agit. On ne peut pas traiter d’une réalité sans la nommer.