L’ÉDITORIAL
de Guillaume Roquette
Face au lycéen pointant en rigolant un pistolet sur son enseignante résignée, au flot des témoignages de professeurs abandonnés à eux-mêmes, à l’ampleur même des violences à l’école (440 incidents graves chaque jour), le premier réflexe est celui de la résignation : on ne peut rien faire, il est trop tard. Et peut-être est-il déjà trop tard en effet, mais il est certain en tout cas que tout n’a pas été fait contre ces brutalités en milieu scolaire. Et puisque le ministre de l’Education nationale a décidé de créer un « comité stratégique » (un de plus…) sur le sujet, on va bien voir s’il se décide à traiter le problème à la racine.
Commençons par écarter les fausses solutions. L’interdiction des téléphones portables au lycée, pour éviter que les scènes de violence soient filmées, relève du gadget. On n’a jamais arrêté la fièvre en interdisant les thermomètres. Il est même souhaitable que le pays sache enfin ce qui se passe dans les salles de classe, pour briser l’omerta entretenue par nombre de chefs d’établissement et autres conseillers principaux d’éducation soucieux de ménager leur carrière.
Il apparaît ensuite indispensable de rétablir de vraies sanctions. Tous les professeurs qui témoignent sur Twitter (hashtag PasDeVague) disent le refus de leur hiérarchie d’exclure, voire de simplement punir les élèves. Et la consigne vient de haut : la littérature officielle du ministère de l’Education nationale, dans son invraisemblable sabir, montre le déni dans lequel cette administration s’est installée. Au chapitre « prévention des violences », voici ce qui est préconisé : « Développer une approche plurielle de la justice en milieu scolaire, en abordant des pistes de réflexion et d’action participant à la coconstruction et la refondation d’une école juste, bientraitante, garante du respect des droits de chacun, propice au développement de l’enfant et du jeune ainsi qu’au bien-être de tous » (sic). Les voyous qui braquent, menacent ou insultent quotidiennement leurs professeurs doivent en trembler de peur…
L’institution scolaire a commis au moins deux erreurs. D’abord celle de refuser – par angélisme – de mettre à l’écart du système scolaire la minorité qui sème le trouble. Bien sûr, ces élèves n’ont pas été gâtés par la vie : ce sont pour la plupart des garçons en difficulté scolaire, issus de familles à problèmes, monoparentales ou/et non assimilées à la culture française. Mais on comprend mal de quel droit ils sont autorisés à perturber la vie de toute un établissement. La ruée vers l’enseignement privé comme l’étonnant succès des écoles hors contrat sont aussi la conséquence de cette faiblesse.
Et puis, il y a cette idéologie funeste qui a placé l’élève au coeur du système éducatif, le laissant libre de construire son propre savoir. Comme l’explique le philosophe Marcel Gauchet, le principe même de transmission a été récusé, au profit de la liberté de choix et de l’expérimentation par soi-même. Comment, dans un tel environnement, les professeurs auraient-ils pu (à supposer qu’ils l’aient voulu) conserver leur autorité ?