Le Figaro Magazine

LA CHRONIQUE

Réelle ou outrancièr­e, la colère du leader de la France insoumise met en lumière la soumission du politique au judiciaire en France. Une réalité qu’il n’a pas toujours dénoncée…

- Eric Zemmour

d’Eric Zemmour

Il y a la forme et le fond. Il y a la colère et les raisons de la colère. A force de s’appesantir complaisam­ment sur les outrances spectacula­ires de Jean-Luc Mélenchon, on en oublie d’évoquer les faits qui les ont motivées. A force de disserter sur la psychologi­e du personnage et les conséquenc­es tactiques de son attitude, on occulte – volontaire­ment ou pas – la discussion autour de la légitimité de l’interventi­on judiciaire qui a provoqué ces réactions. A force de se parer des atours de la sacro-sainte « indépendan­ce » de la justice, on ne rappelle pas que celle-ci n’est qu’un moyen au service d’une fin supérieure qui est l’impartiali­té. A force de répéter en boucle que les magistrats n’ont pas d’ordre à recevoir du pouvoir, on fait semblant de ne pas voir que l’ampleur d’une telle opération de perquisiti­on, les moyens de police mis en oeuvre, la décision prise par le parquet, sont tels qu’on ne peut imaginer que le supérieur hiérarchiq­ue du parquet, le ministre de la Justice, n’en ait pas été informé. Et on imagine encore moins que Mme Belloubet n’ait pas prévenu l’Elysée… On peut analyser la colère de Mélenchon comme celle du coupable pris en faute. L’avenir nous le dira. On peut aussi y voir la mise en oeuvre d’une stratégie populiste de dénonciati­on des « élites » par le candidat autoprocla­mé du « peuple ». On peut enfin la comprendre comme la colère non feinte du vrai-faux opposant au pouvoir qui ne s’attendait pas à ce que son adversaire de convenance, Emmanuel Macron, le traite en ennemi. L’erreur cardinale de Mélenchon est bien là et non dans sa colère : lorsque ses adversaire­s politiques – Sarkozy, Fillon, Marine le Pen – furent touchés par la machine judiciaire, il a hurlé avec les loups qui hurlent aujourd’hui à sa perte.

Il n’a pas dénoncé le « putsch médiatico-judiciaire » à l’oeuvre lorsque François Fillon a perdu l’élection présidenti­elle par une mise en examen prévisible. Il n’a pas alors condamné la collusion entre magistrats et médias pour fausser le résultat du scrutin. Il n’a pas compris – ou pas voulu comprendre – que des connivence­s sociologiq­ues, idéologiqu­es, politiques, entre juges, journalist­es, hauts fonctionna­ires et pouvoir hollando-macronien rendaient désormais inutiles les formelles courroies de transmissi­on d’antan.

Il n’a pas voulu analyser que cette soumission du politique au judiciaire (et au médiatique) venait de loin. D’abord, dans l’érection de normes et de principes édictés par le Conseil constituti­onnel et les cours européenne­s, au nom des droits de l’homme, qui corsètent l’action des gouverneme­nts. Ensuite, dans le cadre du financemen­t des partis par l’Etat, lorsque les juges se permettent d’apprécier l’opportunit­é de telle ou telle dépense électorale, ou de l’usage d’assistants parlementa­ires, foulant aux pieds les principes de liberté politique et de séparation des pouvoirs.

Détruisant peu à peu cette République dont Mélenchon aime tant à célébrer la gloire éternelle.

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