LES RENDEZ-VOUS
Dans un essai très personnel sur le mécanisme de la création, le romancier s’interroge sur les raisons qui l’ont conduit à adapter au cinéma un roman qu’il n’a pas écrit.
de J-R Van der Plaetsen
Marc Dugain possède un atout considérable dans l’exercice de son métier d’écrivain : il rédige vite et bien. On peut même dire qu’il écrit très vite. Ainsi La Chambre des officiers a-telle été bouclée en moins de quinze jours parce qu’il voulait que sa grand-mère, dont il pressentait la fin proche, puisse lire ce roman qui relatait la vie de quelques gueules cassées, parmi lesquelles figurait son grandpère. Son nouveau livre, Intérieur jour, a été écrit en une semaine. En règle générale, les réalisateurs s’inspirent des romans écrits par d’autres pour tourner leurs films. Ici, c’est l’inverse : Marc Dugain s’est inspiré de son dernier film, L’Echange des princesses, pour écrire ce livre qui n’est pas un roman. Intérieur jour se rattache en effet à une autre catégorie, que Malraux qualifiait de « machin ». C’est-à-dire un ouvrage qui tient à la fois de l’essai, du récit, des souvenirs, du journal intime, voire du roman. INTÉRIEUR JOUR,
de Marc Dugain. Robert Laffont, 170 p., 18 €. Le propos de ce livre est très subtil : comment se crée, se forme et se métamorphose une oeuvre à intention artistique ? Tout au long de ces pages, Marc Dugain s’interroge : pourquoi le roman historique de Chantal Thomas sur un épisode, somme toute ténu, de notre histoire (le mariage de Louis XV enfant avec l’infante d’Espagne) a-t-il résonné en lui au point qu’il ait décidé d’en faire un film ? Cette plongée en forme d’enquête dans sa mémoire personnelle et son histoire familiale est passionnante : les époques et les lieux se rencontrent, se télescopent parfois, s’assemblent le plus souvent avec harmonie. L’histoire, la politique, l’écologie, les arts, l’amour ou l’amitié servent de liant, permettant de cimenter des éléments épars et, à première vue, sans rapport. C’est le mécanisme de la création artistique qui est ici dévoilé. « Le cinéma, conclut Dugain, tient dans ma vie une place aussi importante que la littérature. Et je refuse de sacrifier l’un à l’autre. » Heureusement, personne ne lui demande de choisir.