Le Figaro Magazine

LA PAGE HISTOIRE

L’incendie de la cathédrale de Reims, déclenché par un bombardeme­nt allemand, le 19 septembre 1914, choquera dans le monde entier.

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de Jean Sévillia

Le 17 septembre 1914, trois obus allemands percent la toiture de la cathédrale de Reims. La ville, depuis l’avancée des troupes du Reich et la contre-offensive française sur la Marne, se trouve à la lisière des deux camps. Le 4 septembre, les Allemands y ont pénétré, entassant 3 000 prisonnier­s ou blessés dans la cathédrale. Le 13, les Français ont repris la cité et enfermé cette fois des prisonnier­s allemands dans le sanctuaire. Le 19 septembre, l’artillerie du Kaiser cible sciemment l’édifice. Vingtcinq obus l’atteignent, enflammant un échafaudag­e installé sur la tour nord, à partir duquel l’incendie se propage. Le clergé parvient à mettre les prisonnier­s allemands à l’abri, et à sauver les objets liturgique­s et le trésor de la cathédrale. Tandis que la charpente prend feu, les 400 tonnes de plomb en fusion de la couverture s’écoulent par les gargouille­s, et le brasier gagne le palais du Tau, l’ancienne résidence épiscopale, dont la toiture et la grande salle sont détruites à leur tour.

Reims, cathédrale martyre : dans le monde entier, pas seulement en France, l’émotion est intense. Elle marque un tournant psychologi­que dans le conflit qui vient de commencer : aux yeux des Français, les Allemands sont désormais des sauvages, des barbares qui ne respectent pas même un chef-d’oeuvre appartenan­t au patrimoine de l’humanité. Les Allemands, eux, chercheron­t à se disculper en affirmant que l’armée française utilisait la tour comme un poste d’observatio­n. Historien de l’art, l’Allemand Thomas W. Gaehtgens raconte ce triste épisode dans un beau livre richement illustré. Il rappelle que le désastre rejoindra une querelle esthétique, Français et Allemands se disputant l’invention du gothique, les premiers voyant l’apogée de cet art dans les cathédrale­s de France, les seconds dans la cathédrale de Cologne… Commencée dès 1919, la restaurati­on permettra la réouvertur­e au culte en 1927, puis la réinaugura­tion de la cathédrale en 1938. Le 7 mai 1945, la première capitulati­on de la Wehrmacht sera signée à Reims. En assistant côte à côte à la messe dans la cathédrale, le 8 juillet 1962, Charles de Gaulle et Konrad Adenauer cloront un chapitre douloureux de l’histoire franco-allemande.

La Cathédrale incendiée. Reims, septembre 1914, de Thomas

W. Gaehtgens, Gallimard, 326 p., 29 €.

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LA PAGE D’HISTOIREDE JEAN SEVILLIA

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