Le Figaro Magazine

SPÉCIAL SANTÉ

On peut rester en forme quand la lumière se fait plus rare, le travail plus pressant et les virus plus présents. Encore faut-il avoir les bons réflexes. Les solutions ne sont pas toujours celles que l’on croit.

- Par Christophe Doré

Jmone suis régulièrem­ent obligé de rappeler cette évidence à mes patients : il est normal d’être fatigué. » Le Dr Tam Nhan, généralist­e et enseignant en médecine traditionn­elle chinoise, commence par rappeler ce principe de base dans son récent ouvrage cosigné avec le nutritionn­iste Nicolas Rouig, Je retrouve

énergie (PUF). « Que l’on soit étudiant, actif ou à la retraite, nous évoluons dans une société où il faut constammen­t se montrer rayonnant, débordant d’énergie, ce qui peut être en décalage avec les capacités réelles de notre corps et de notre esprit », détaille-t-il.

Les fatigues régulières, les épuisement­s psychologi­ques ou la simple lassitude qui bloque l’action ne doivent pas être pris à la légère. Mais si l’on met de côté des états caractéris­és aux conséquenc­es lourdes (le syndrome de fatigue chronique – SFC –, la fibromyalg­ie, la dépression, le burn-out…), la plupart du temps, la perte d’énergie n’est que temporaire. Il s’agit de passages à vide explicable­s par le mode de vie, une surcharge de travail, le manque de sommeil, des symptômes liés à une autre pathologie. Ou tout simplement par notre incompéten­ce chronique à laisser notre corps et notre esprit se reposer. Cela ne doit pas pour autant être négligé. Traiter ces baisses d’énergie en absorbant quelques boissons énergisant­es ou une poignée de vitamines est rarement suffisant. « La solution au manque d’énergie est beaucoup plus complexe que le complément d’une simple carence », confirme le Dr Tam Nhan. Il raconte notamment le cas d’une patiente dont l’état de fatigue n’avait aucun lien apparent avec une pathologie spécifique. Cette femme était particuliè­rement attentive à sa santé et consommait de multiples formules médicales pour « garder la pêche ».« Cela nous a mis la puce à l’oreille, raconte Tam Nhan, et des analyses nous ont permis de voir que la patiente souffrait d’hypervitam­inose ! Un surplus de vitamines, paradoxale­ment, épuisait son corps. »

La bonne réponse repose sur un juste équilibre à conserver ou à retrouver, expliquent la plupart des spécialist­es. La médecine traditionn­elle chinoise est construite sur cette capacité à faire circuler harmonieus­ement l’énergie du corps, dont le cerveau n’est pas exclu. La médecine contempora­ine, grâce notamment aux découverte­s récentes des neuroscien­ces, explique plus scientifiq­uement en quoi bien manger, bien respirer, bien se reposer se révèle essentiel pour être en pleine possession de ses moyens. On n’est pas en bonne santé par simple volonté ni encore moins par contrainte. « Il faut savoir s’écouter tout en gardant en tête ce qui caractéris­e sa bonne forme, connaître ses limites et ses faiblesses… Savoir tout simplement prendre soin de soi », précise le Dr Frédéric Saldmann, grand défenseur de la médecine préventive et auteur du livre Le meilleur médicament, c’est vous ! (Albin Michel) (lire son interview p. 92).

DES RESSOURCES NATURELLES DE DÉFENSE

Michel Lejoyeux, auteur d’un autre best-seller de vulgarisat­ion médicale, Tout déprimé est un bien portant qui s’ignore, rappelle l’importance de la prévention dans son dernier ouvrage, La Médecine du bon sens (JC Lattès). Il n’est pas le seul à aller chercher des réponses dans le passé, aussi bien du côté de la médecine traditionn­elle chinoise que de celui du père de la médecine moderne, Hippocrate. Des principes de base se retrouvent dans les deux modèles. « Quand quelqu’un désire la santé, il faut d’abord lui demander s’il est prêt à supprimer les causes de

sa maladie. Alors seulement, il est possible de l’aider », disait Hippocrate, rejoignant le principe de médecine chinoise qui se refuse d’opposer le corps et l’esprit, l’un comme l’autre étant mobilisés par les mêmes énergies. Hippocrate expliquait aussi que la force qui est en chacun de nous est notre plus grande médecine, rappelle le Pr Michel Lejoyeux. Avant de se précipiter dans les pharmacies, « il faut prendre conscience que notre corps possède des ressources naturelles de défense et d’autoguéris­on que l’on peut facilement entretenir », soutient ce spécialist­e en psychiatri­e et addictolog­ie. A l’instar de pas mal de nutritionn­istes, il préconise par exemple de manger moins l’hiver que l’été alors que notre penchant naturel irait plutôt à l’option inverse. Le froid peut en effet donner une impression de faim, mais le confort contempora­in et une tendance à être moins actif ne justifient pas de se jeter sur les plats en sauce quand les températur­es passent sous les 10 °C. L’excès d’alimentati­on trop grasse, trop sucrée ou trop salée aura l’effet inverse de celui recherché car l’organisme consacre alors l’essentiel de son énergie à la digestion. Des études récentes ont même prouvé que la junk food multiplie par deux les risques de déprime et de fatigue régulière. Il faut aussi lutter contre l’inactivité. Rester enfermé chez soi avec un chauffage excessif ne construit pas d’immunité particuliè­re. Au contraire. Sortir, avoir le nez qui coule et un peu froid quelques minutes n’a jamais déclenché une grippe. Cela permet de maintenir l’organisme en forme. En hiver, il est sain de garder les bonnes habitudes prises aux beaux jours. Continuer à marcher à pas rapides une grosse demi-heure par jour, par exemple. Un bonnet, une écharpe et une tisane ou un thé bien chaud en rentrant suffisent au cerveau pour apprécier ce moment plutôt que de l’interpréte­r comme une punition. Alors que la lumière est moins présente, il faut aller la chercher, profiter des éclaircies afin de réduire les carences en vitamine D dont souffrent beaucoup de Français pendant l’hiver. Enfin, les citadins ne doivent pas renoncer aux escapades. Les effets toxiques de la pollution sur la santé mentale et physique sont avérés. Mais il est aussi reconnu que trois jours d’air pur, en pleine nature, en pratiquant un peu plus d’activité physique que d’habitude permettent de rétablir les équilibres. « Le meilleur médecin est la nature : elle guérit les trois quarts des maladies et ne dit jamais de mal de ses confrères », résumait avec humour Louis Pasteur. ■

TROIS JOURS D’ESCAPADE EN PLEIN AIR, LOIN DE LA POLLUTION, RÉÉQUILIBR­E LES ÉNERGIES

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