LA CHRONIQUE de François d’Orcival
Hélas, l’irrationnel s’invite dans tous les débats autour de l’énergie produite par la fission d’atomes d’uranium.
Les Suisses font rarement comme nous. En général, ils ont raison. Nous allons fermer plusieurs réacteurs nucléaires – trop vieux, dit-on. Les Suisses, eux, ont redémarré cette année la plus vieille centrale du monde – ils jugent que le nucléaire est plus performant que les autres énergies. Les Suisses exploitent cinq réacteurs (qui produisent le tiers de leur électricité), ils n’en auront pas plus mais continueront de faire tourner les leurs.
La centrale de Beznau, qui est repartie après trois ans de travaux, avait été mise en service en 1969 ; nos réacteurs de Fessenheim (8 à 10 GWh par an) l’ont été en 1977, et nous allons les arrêter dès la fin 2019 (d’autres suivront). Décision de bon sens au-delà des Alpes, décision purement politique en deçà.
Il est vrai que le rationnel ne s’accorde plus avec le nucléaire. Les opinions favorables à cette énergie « non carbonée », maîtrisée, souveraine, se sont en partie retournées en 2011, l’année de Fukushima. Les lobbies écologistes se sont déchaînés, transformant la catastrophe du tsunami en une sorte d’explosion nucléaire…
Mme Merkel a aussitôt décidé de fermer ses centrales. Et le Japon a dû arrêter les siennes. Or, quand on éteint un réacteur, on rallume une chaudière – à charbon, au gaz ou au fioul. C’est ce qu’a fait la chancelière, à cause de son industrie. De sorte que l’Allemagne produit une électricité vingt-cinq fois plus polluante (en émissions de CO2) que la France, le prix pour les particuliers étant deux fois plus élevé que pour les Français (le consommateur allemand payant plus cher parce qu’on préserve ses industries…) Beau résultat pour une politique « verte » ! N’ayant pas le choix, les Japonais ont d’abord agi comme les Allemands, ce qui a totalement dégradé leur bilan carbone et accru leur dépendance à l’égard de leurs fournisseurs étrangers à près de 100 %. Mais ensuite, ils ont rallumé leurs réacteurs afin de remonter de 1 à 22 % la part du nucléaire dans leurs énergies, améliorant ainsi bilan carbone et taux de dépendance. Pas fous ! Les Français ne le sont pas non plus, mais ils sont très divisés, entre les idéologues antinucléaires, surreprésentés, et les réalistes qui défendent une énergie non polluante et un secteur industriel capital. La perspective des élections européennes ajoutant encore à la confusion, Emmanuel Macron a préféré reporter le grand plan énergie qu’il aurait dû présenter ces jours-ci…