Le Figaro Magazine

LA CHRONIQUE d’Eric Zemmour

- Eric Zemmour

C’était une demande de Berlin. » L’aveu vient de l’Elysée. Surtout pas de parade ni de défilé en ce 11 novembre. On se souviendra de la boucherie, mais surtout pas de la victoire. Les poilus français n’étaient que des « civils qu’on avait armés » et non des soldats, héritiers des vertus militaires séculaires de leur peuple, défendant leur patrie et leur sol contre l’envahisseu­r. Ils se battaient pour « plus jamais ça » et pas du tout contre les Boches. Pourtant, en 2005, les Anglais n’ont pas demandé l’autorisati­on à Paris de célébrer Trafalgar. Et, en 2015, toute l’Europe a fêté avec faste Waterloo sans se soucier des susceptibi­lités françaises. Ce sont les dirigeants français qui, de Chirac à Macron, ont des pudeurs de jeune vierge dès qu’il faut évoquer les triomphes militaires français, d’Austerlitz à la Grande Guerre. Le prétexte est de ne pas gâcher la réconcilia­tion franco-allemande. Fragile réconcilia­tion qui ne supporte pas la vérité ! Vérité d’autant plus cruelle qu’elle fut longtemps niée par les Allemands, qui s’accrochère­nt à la thèse du « coup de couteau dans le dos » qu’auraient donné les révolution­naires communiste­s à une armée allemande invaincue. Thèse qui fit le lit de la propagande nazie.

Il est vrai que les population­s allemandes n’avaient pas vu un soldat français sur leur territoire. Cette décision de ne pas « entrer dans Berlin » fut prise par Clemenceau et Foch, sous pression des alliés anglais et américains, qui souhaitaie­nt avant tout éviter le retour de l’hégémonie française sur le continent. Et voilà comment la France de Clemenceau – le héros de Macron ! – perdit la paix après avoir gagné la guerre ! Mais cette version de l’histoire est aujourd’hui occultée par l’historiogr­aphie française. Celle-ci, mettant ses pas dans ceux de l’économiste anglais (et francophob­e) Keynes, ne veut voir dans le traité de Versailles que le « diktat » qui, humiliant les Allemands, aurait alimenté leur volonté de revanche.

A l’époque, pourtant, le président de la République Poincaré, et d’autres généraux comme Pétain et Mangin, s’étaient opposés au choix de Clemenceau et Foch.

Mais Poincaré, l’homme de la « revanche », et surtout Pétain, l’homme de Vichy, sont aujourd’hui persona non grata de notre histoire officielle. Macron n’assistera même pas à l’hommage militaire des Invalides, de peur de devoir prononcer le nom maudit de Pétain !

Le général de Gaulle, lui, n’hésitait pas à célébrer le vainqueur de Verdun, tout en rappelant son hostilité à Vichy. Il fut l’artisan de la réconcilia­tion avec l’Allemagne sans cesser de rappeler aux nouvelles génération­s la gloire militaire de leurs ancêtres. Pour de Gaulle, la France devait être le « jockey » du « cheval » allemand, tandis que nos élites d’aujourd’hui, dont Macron est la quintessen­ce, veulent noyer l’identité et la souveraine­té française dans un ensemble européen. D’où les projets de partager avec l’Allemagne notre siège à l’ONU, voire notre arme nucléaire. C’est toute la perversité du projet macronien : tout en prétendant « revivifier le roman national », il le dévitalise et achève sa destructio­n de l’intérieur.

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