À L’AFFICHE et les passe-temps d’Eric Neuhoff
La Bibliothèque nationale de France présente les oeuvres de la plus célèbre famille de photographes français. Leur vie fut un roman.
Les Nadar, une saga familiale dont les portraits réalisés appartiennent au patrimoine de la photographie. De gauche à droite : Charles Baudelaire (1862) par Félix, Gérard de Nerval (1855) par Adrien, et l’actrice Sarah Bernhardt en Pierrot (1883) par Paul.
Ils sont nés Tournachon et ont adopté le pseudonyme de Nadar qui sonne aujourd’hui comme une légende de la photographie française. Trois hommes, trois précurseurs, trois destins qui ont contribué à donner ses lettres de noblesse à un art encore balbutiant, dans la seconde moitié du XIXe siècle. De cette saga familiale, on retient souvent Félix (1820-1910), personnalité flamboyante, tour à tour journaliste pamphlétaire, écrivain, caricaturiste, resté célèbre pour la géniale galerie de portraits qu’il fait de ses contemporains dans les années 1850-1860 : Lamartine, Baudelaire, Franz Liszt, Maupassant, George Sand ou Victor Hugo qu’il photographie une dernière fois sur son lit de mort, le visage éclairé à la seule lumière du jour. Un chef-d’oeuvre. Il joue sur les silhouettes, les drapés, gomme les costumes envahissants et les décors pâteux.
Félix est un visionnaire et écrase deux personnages restés dans son ombre : son frère Adrien (1825-1903), artiste bohème et photographe inspiré, et son fils Paul (18561939), moderne chef d’entreprise et propagateur de Kodak en France. Le premier joue sur l’expression de ses modèles : le regard perdu d’un Gérard de Nerval ou la mélancolie d’un Gustave Doré. Il entretient des relations tendues avec son aîné, refusant le mercantilisme, animé par la seule ambition de créer des oeuvres. Aussi se détourne-t-il très vite de la photographie pour s’adonner à la peinture, menant une vie insouciante, puis chaotique et misérable. Le second est né dans l’atelier de son père pour lequel il a posé dès sa plus jeune enfance : la photographie est sa raison d’être. Jusqu’à sa mort, il fera de la maison Nadar, présente à Paris et à Marseille, une institution où défilent toutes les grandes gloires du siècle, de Sarah Bernhardt aux grandes familles aristocratiques. La BnF a réuni près de 300 pièces qui retracent l’intimité sinueuse de cette collaboration à trois. Pour montrer que la légende Nadar s’enrichit d’une histoire plurielle.
« Les Nadar, une légende photographique », jusqu’au 3 février 2019. BnF-François-Mitterrand, Paris XIIIe.