Le Figaro Magazine

DERRIÈRE LES PORTES

TOUT EST POSSIBLE, d’Elizabeth Strout, Fayard, 304 p., 19 €. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre Brévignon.

- Laurence Caracalla

Dans le précédent roman d’Elizabeth Strout, Je m’appelle Lucy Barton, la narratrice est un auteur à succès qui, clouée sur son lit d’hôpital, évoque son enfance misérable à Amgash, un bourg de l’Illinois. Tout est possible n’est pas la suite du livre, mais l’histoire détaillée des natifs de cette petite ville, un portrait féroce d’une communauté comme il en existe partout en Amérique. Lucy Barton, revenue quelques jours à Amgash, est le fil conducteur du texte : elle qui a fui ce trou perdu sait que sous les apparences se cachent le feu et la glace, l’amertume et le chagrin. Chaque chapitre est un épisode de la vie de ses habitants : son frère, fracassé par la honte que lui a causé leur père, une sexagénair­e partie refaire sa vie en Italie, un vétéran démoli à jamais par la guerre du Vietnam, une propriétai­re de Bed & Breakfast, perspicace et solitaire, une femme mal aimée par sa mère… Des personnage­s cabossés, parfois frustrés, souvent blessés, incapables d’avouer leurs fêlures. Elizabeth Strout prouve une fois encore son étonnante subtilité : il lui suffit d’un détail, d’un mot, d’un geste, pour révéler l’humanité de ces âmes grises. Ce formidable écrivain, trop peu connu en France mais célébré aux Etats-Unis où elle a reçu le prix Pulitzer, délivre un message plus optimiste qu’il n’y paraît : et si l’on acceptait de pardonner, aux autres comme à soi-même, tout serait-il enfin possible ?

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