LES RENDEZ-VOUS de J-R Van der Plaetsen
L’ancien diplomate dresse le bilan de ses engagements passés à travers les articles qu’il a publiés depuis quarante ans. L’Europe de la culture y est omniprésente.
Il n’a pas changé. Les années passent mais il reste le même. C’est à se demander si la marche du temps (titre d’un de ses romans) impose une cadence égale à chacun. Malgré ses 70 ans, c’est encore l’enthousiasme (titre d’un autre de ses livres) qui caractérise Daniel Rondeau, bien que l’on sente parfois, au détour d’une phrase, poindre chez lui comme un début de désenchantement.
On l’a connu au milieu des années 1980, lorsqu’il se démenait contre son époque. Il était journaliste, éditeur, intellectuel engagé, comme on disait alors, et en perpétuelle révolte contre l’ordre et les désordres du monde. La planète était la patrie de son coeur et le Liban y occupait une place particulière. Rondeau a passé plus de vingt ans de sa vie à défendre la cause du pays du Cèdre. Il n’a pas été écouté. Puis ce furent les combats pour Sarajevo et les chrétiens d’Orient. Là encore, l’époque lui a opposé son indifférence ravageuse. Alors, à l’âge où l’on commence à faire les comptes, Rondeau a repris le cours de sa vie pour essayer de lui donner une cohérence, à défaut d’être certain de pouvoir lui trouver un sens. Il prenait chaque semaine des avions ; il est devenu écrivain sédentaire en Champagne. Son nouveau livre, La Raison et le Coeur, dresse le bilan de ses engagements passés à travers une cinquantaine d’articles parus depuis quarante ans. Il y est question de politique internationale, mais aussi de littérature et de géographie.
Au long de ces pages, un fil conducteur apparaît : l’Europe. Pas celle des quotas laitiers : celle de la foi, des livres et des paysages. « Aujourd’hui, dit-il, la peur de perdre sa maison s’est emparée de chacun. Or l’Europe, c’est à la fois les fondations et le toit de notre maison commune. Il est urgent de consolider cet édifice millénaire. » En d’autres termes, il faut se rassembler, pour reprendre un verbe cher à de Gaulle qu’il admire. « L’Europe, ajoute-t-il, c’est Bach et Tolstoï, la forêt d’Orient et le bleu de la Méditerranée, sans oublier le sourire de l’Ange de Reims. » On ne peut qu’adhérer à cette conclusion très malrucienne.
“L’intelligence d’aujourd’hui se complaît à mettre en pièces
l’intelligence d’hier”
LA RAISON ET LE COEUR, de Daniel Rondeau, Grasset, 410 p., 22 €.