LA CHRONIQUE de François d’Orcival
Cette région de l’Italie, où l’on parle allemand, a toujours voulu conserver son identité Elle a voté pour la droite radicale.
C’est aussi un héritage de la Première Guerre mondiale. L’Italie, qui appartenait au camp des vainqueurs, obtint du traité de Saint-Germain, qui démantela l’AutricheHongrie, la dévolution du Trentin et du Tyrol du Sud (Haut-Adige, en italien) : Trente, où se tint le concile de l’Eglise de Rome (1545-1563), et Bolzano, la porte des Dolomites, des trésors d’architecture gothique et de la Renaissance italienne, le lac de Garde et un exceptionnel domaine skiable… Malgré bien des vicissitudes dues à l’histoire de l’entre-deux-guerres et de la Seconde Guerre mondiale, cette région septentrionale de l’Italie s’est toujours battue pour conserver racines, langues et traditions, au point de se livrer à des activités terroristes anti-italiennes durant les années 1960. Pour y mettre fin, l’Italie lui conféra un « statut spécial », avec une complète autonomie fiscale, en 1971. Elle compte plus de 1 million d’habitants ; on y parle l’allemand, un peu moins l’italien. Le niveau de vie y est proche de l’Autrichien et très supérieur au revenu moyen des Italiens, avec un chômage négligeable.
Bref, une belle carte postale alpine, en attendant le marché de Noël de Bolzano qui ouvre le 22 novembre.
Or, un mois plus tôt, le 22 octobre, ce Trentin si calme s’est réveillé avec un président qui se revendique de la droite radicale de Matteo Salvini. Aux élections régionales de la veille, la Ligue du ministre de l’Intérieur italien venait de chasser du pouvoir local la gauche démocrate classique qui gouvernait la province depuis la guerre !
Un élu de 46 ans, membre de la Ligue (du Nord) depuis treize ans, jusqu’alors confiné aux marges de l’électorat, Maurizio Fugatti, surgissait à la tête d’une coalition de droite avec près de 47 % des voix. Que s’était-il passé ? Matteo Salvini, dénoncé chez nous comme nationaliste, était allé faire campagne dans le Trentin pour soutenir son candidat – en plaidant pour que la région puisse avoir plus d’autonomie encore… En lançant aux électeurs massés dans ses meetings :
« Vous pourrez mieux défendre votre identité ! » Or, ce que ceux-ci, tant attachés à leur mode de vie, ont vu arriver ces dernières années, ce sont des Roumains, des Albanais, des Marocains, des Pakistanais – et qui d’autre encore… Nulle crise sociale, donc, mais une crainte identitaire – et l’on vote Salvini. Ce qui est vrai pour 1 million d’âmes, l’est pour 60 millions et plus…