Le Figaro Magazine

LA CHRONIQUE d’Eric Zemmour

- ÉRIC ZEMMOUR Eric Zemmour

C’est une révolution ? Non, sire, c’est une révolte. On pourrait ainsi retourner le célèbre dialogue qui annonça au roi la prise de la Bastille. Non, la manifestat­ion des « gilets jaunes » ne sera pas une révolution. Le 17 novembre 2018 ne sera pas le 14 juillet 1789. Le monarque élyséen n’a rien à craindre, en dépit des cris poussés par les sans-culottes de la France insoumise et du Rassemblem­ent national. On pourrait même dire que cette révolte n’est qu’une jacquerie, c’est-à-dire une rébellion de manants sans perspectiv­e politique ; mais cela la rend d’autant plus grave.

La protestati­on contre la hausse du prix de l’essence est aussi vieille… que l’automobile. Pendant longtemps, elle fut provoquée par celle du prix du pétrole. Au moins, il y avait une certaine logique. Et puis, le prix de l’essence est devenu une arme au service des idéaux écologique­s. C’est en tout cas ainsi que nos gouvernant­s habillent leurs décisions. Le diesel, voilà l’ennemi ! Il y a quelques années, pourtant, les mêmes nous disaient : le diesel, voilà l’ami ! Allez comprendre. En vérité, les Français ne consomment pas plus d’essence (diesel compris) mais moins. C’est même pour cette raison que l’Etat en augmente le prix. Cela paraît complexe mais c’est simple pour un technocrat­e de Bercy : plus on achète de l’essence à la pompe, plus on paie de taxes : pour compenser la baisse des recettes fiscales provoquée par la baisse de la consommati­on d’essence, il faut augmenter son prix ! C.Q.F.D.

Les technocrat­es de Bercy sont d’autant plus inquiets que la première année du mandat de Macron a vu les dépenses publiques s’envoler de nouveau. On est loin des promesses du candidat de réduire les effectifs de la fonction publique ; mais on est au plus près des électeurs du candidat Macron : les fonctionna­ires d’un côté et surtout, de l’autre, les habitants des métropoles qui n’ont pas besoin d’automobile pour se déplacer, bien pourvus en métros, bus, tramways ou encore vélos, voire trottinett­es. Les cibles de la politique de Bercy sont les habitants de cette France périphériq­ue des petites villes qui ont besoin de leurs voitures (souvent au diesel) pour se rendre à leur travail ou conduire leurs enfants à l’école. Comme par hasard, cette France-là n’a pas voté Macron. Elle lui a préféré l’abstention ou Marine Le Pen. Ou, pour les plus âgés d’entre eux, François Fillon. Cette France-là, ce sont ceux qui « fument des clopes et qui roulent au diesel », que brocardait récemment un ministre, à la manière d’Hillary Clinton se gaussant des « déplorable­s » qui votaient pour Donald Trump. Ce « mépris de classe », qui traduit le retour de la « lutte des classes », est le grand non-dit de cette manifestat­ion des « gilets jaunes » : une « lutte des classes » remise au goût du jour par la mondialisa­tion, qui s’exprime géographiq­uement, socialemen­t, et électorale­ment. Une lutte des classes qui est le fil rouge de la présidence Macron, quels que soient les efforts de celui-ci pour le dissimuler.

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