À L’AFFICHE et les passe-temps d’Eric Neuhoff
Des dizaines d’estampes saisissantes de l’artiste allemand sont exposées au musée d’art moderne et contemporain des Sables-d’Olonne.
Voir la réalité, nue et claire, presque sans art. » Tel était un des credo de l’artiste allemand Otto Dix (1891-1969). Il se trouve que la réalité de son temps était laide : ainsi la représenta-t-il. Qu’il s’agît de l’horreur des tranchées de 14-18 (qu’il vécut de près, s’étant engagé volontaire dans l’armée du Reich), la misère sociale des villes d’après-guerre ou le corps humain quand il dépasse un certain âge et/ou les canons de beauté traditionnels, celui que les nazis considérèrent vite comme un indigne promoteur de « l’art dégénéré » ne cessa de dessiner, graver ou peindre le monde comme il allait : mal.
Moins célèbres que ses tableaux, ses estampes sont autant de témoignages saisissants de cette vision artistique du monde. Conservées pour la plupart au Zeppelin Museum de Friedrichshafen, elles sont exposées au premier étage du Masc des Sables-d’Olonne * : des gravures sur bois, des eaux-fortes et des lithographies de différents formats qui disent avec force l’homme (et la femme) dans ses souffrances, ses plaisirs, ses angoisses, ses détresses. Et dévoilent, au-delà des formes physiques de ses personnages, les tréfonds de leur âme. La guerre est omniprésente (ne pas manquer le mur de 50 gravures dont certaines d’une puissance et d’une violence sidérantes), mais portraits (au cadrage souvent audacieux), autoportraits et nus retiennent aussi l’attention – notamment par leur radicalité, leur crudité. Elles expriment, dans des décors comme les affectionnait Dix (rues, bordels, chambres), le pessimisme lucide et intranquille de l’ami de George Grosz. Son génie, surtout.
* « Otto Dix. Estampes », musée de l’Abbaye Sainte-Croix, Les Sables-d’Olonne, jusqu’au 13 janvier 2019.