“BIG BROTHER IS WRITING YOU”
Celui qui a le contrôle du passé a le contrôle du futur. Celui qui a le contrôle du présent a le contrôle du passé. » Cette affirmation d’Orwell éclaire d’une lueur singulière les polémiques byzantines auxquelles les commémorations liées à la Première Guerre mondiale ont donné lieu. Si, comme l’affirme Héraclite, « le conflit est le père de toute chose », les affrontements sont au coeur de l’Histoire. Il en surgit toujours un vainqueur provisoire auquel un contrôle du présent échoit nécessairement. Les formes de cette domination sont multiples, mais il en est une qui a la faveur des puissants : le contrôle du passé. D’où l’importance de son écriture, qui permet de le reconstruire à son image. De le modeler à sa convenance. Or, l’histoire n’est-elle pas cette discipline dont l’objet est le passé qu’elle cherche à connaître et, in fine, à écrire ? Mais, aussi vertueux soient-ils, les historiens ne sont-ils pas condamnés à voir le passé avec les yeux du présent, donc à l’écrire mêmement ? L’histoire comme discipline interprétant les conflits ne devient-elle pas alors un champ de bataille ou règne le conflit des interprétations ?
Et la vérité historique peut-elle être autre chose que le triomphe d’une interprétation devenue doxa dominante ? Ce qui expliquerait comment et pourquoi l’historien, parce qu’il fait l’histoire en l’écrivant, contrôle le futur autant que le présent.