Le Figaro Magazine

LA FORÊT ESCALADE LA MONTAGNE JUSQU’À 2 000 MÈTRES D’ALTITUDE

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aujourd’hui. En 1925, sir Arnold Lunn, grand manitou du ski alpin de compétitio­n (c’est grâce à lui, entre autres, que la discipline fut olympique à partir de 1936), était venu en repérage dans les trois vallées. Il avait été conquis par le site. Dix ans plus tard, le major écossais Peter Lindsay aura à son tour le coup de foudre, investira, s’installera à Méribel dont il sera le chef d’orchestre jusqu’à sa mort, en 1971. Après la Seconde Guerre mondiale, il reprendra le chantier, engagera l’architecte parisien Christian Durupt et établira avec lui la charte de la station : style inspiré de l’habitat local, en pierre et bois, et respect de la nature. Autrement dit, des chalets sans béton apparent, coiffés de toits de lauze à deux pentes. Certes, au fil du temps, les chalets ont grossi et ils ne cessent de s’embourgeoi­ser. Mais le deal de départ a été respecté. Aucun toit à une pente, aucune tour intempesti­ve ne gâche le tableau. Le sommet du mont Vallon offre une vue magistrale. De là-haut, à près de 3 000 mètres d’altitude, l’enfilade de la vallée des Allues se déroule dans toute sa splendeur : le domaine skiable, les différents quartiers de la station satellisée entre 1 450 et 1 750 mètres, la forêt qui escalade la montagne jusqu’à 2 000 mètres, le chapelet de villages et hameaux. Point culminant des pistes, le mont Vallon donne le la d’une des plus belles descentes des Trois-Vallées, la Combe du Vallon, 1 000 mètres de dénivelé. A dévaler non-stop pour plus de sensations. Ambiance bucolique, en revanche, sur la piste du Raffort, une promenade en forêt jusqu’au village du même nom. A 1 300 mètres, c’est, cette fois, le point le plus bas du domaine. Les hivers bien enneigés, on peut toutefois glisser jusqu’aux Allues, 1 100 mètres. Retour à MéribelCen­tre par la télécabine qui monte de Brides-les-Bains et s’arrête au passage dans les villages. A bord, la balade continue. Son couloir aérien suit le lit du Doron, le torrent de la vallée.

AU COMMENCEME­NT, UN HÔTEL, UNE PISTE...

La saison 2018-2019 débutera le 8 décembre. La première avait démarré le 5 décembre 1938, il y a donc pile quatre-vingts ans. Ce jour-là, Le Petit Dauphinois, l’ancêtre du Dauphiné libéré, annonçait la « naissance d’une grande station de ski dans la vallée des Allues ». Un hôtel, une piste, un remonte-pente pour commencer. Tout seul à 1 450 mètres d’altitude, le futur quartier principal Méribel-Centre, le Chalet Doron (le pub à côté de l’office de tourisme) était un petit refuge de quatre chambres, un restaurant et un garage. Sauf que deux grands architecte­s y avaient oeuvré, Henry Jacques Le Même et Charlotte Perriand, brillante élève de Le Corbusier. Et il était skis aux pieds (déjà). Tracée sur l’alpage de Burgin, la piste partait de 1 900 mètres pour arriver à sa porte. Un télétraîne­au rouge de 19 places hissait les skieurs au sommet puis redescenda­it en marche arrière… Les clients anglais le baptisèren­t Red Dragon. Son antre était le garage de l’hôtel, prévu à cet effet. Ce même hiver, en février 1939, la piste accueillit également sa première compétitio­n, organisée par le nouveau Ski Club Les Allues, fondé pour les jeunes du coin par Joseph Front. Natif de la vallée, propriétai­re de l’hôtel Le Chamois (l’actuel bar-restaurant Tsaretta) aux Allues, maire dans les années 1950, Joseph Front fut un pionnier. « Contrairem­ent à d’autres sites, les gens d’ici se sont beaucoup investis dans le développem­ent de Méribel », souligne Jean-Marie Choffel, directeur de l’office de tourisme pendant vingt ans et auteur du beau livre publié cette année pour les 80 ans de Méribel. Un chapitre par décennie, une flopée de photos dénichées dans les albums de famille, l’ouvrage, préfacé par David Linsday, le fils du major, est une mine. « Nos anciens ont tout donné. C’est formidable ce qu’ils ont accompli pour nous permettre de vivre ici, d’y travailler et élever nos enfants », renchérit Françoise Forni, propriétai­re de l’élégant Allodis, dans le quartier du Belvédère. Joseph Front était son grand-père.

L’ESCALOPE À LA CRÈME D’ALEXANDRIN­E

Les habitants de la vallée ont fonctionné en osmose parfaite avec les gens venus d’ailleurs qui feront souche ici. André Tournier, le guide chamoniard devenu le « monsieur Ski » de la vallée. L’ingénieur métreur Henry Mauduit, chargé d’évaluer le coût des travaux. Il ouvrira un magasin de sport, toujours tenu par Georges Mauduit, son fils et ancien champion de ski. Une superbe piste rouge porte d’ailleurs son nom, 5,9 kilomètres et 1 400 mètres de dénivelé, du sommet de la Saulire jusqu’au plateau de la Chaudanne, le front de neige de Méribel-Centre. « Nous sommes arrivés pendant les grandes vacances, le 14 juillet 1947, se souvient Georges Mauduit. Comme les enfants ne parlaient qu’en patois, j’ai passé l’été à l’apprendre pour me faire des copains. Quelle surprise, à l’école, le jour de la rentrée des classes : ils parlaient tous français ! Ils m’avaient bien eu. Mais j’avais réussi le test d’intégratio­n. » Demandez à Mado Gacon quelle est la spécialité de la vallée. « L’escalope à la crème de l’Adray Télébar », répond sans hésiter l’Alluétaine pur sucre. La fameuse spécialité vient des monts du Lyonnais. C’est la recette d’Alexandrin­e, la grand-mère de Fabrice Bonnet, patron du joyeux Adray Télébar, situé sur les pistes. Son père, Adrien, l’avait importée ici en 1950, quand la maison n’était pas encore un hôtel, juste une petite buvette sur la piste historique du Doron. Les 27 chambres sont squattées d’un hiver sur l’autre par les inconditio­nnels. Et, tous les midis, l’escalope à la crème fait un carton. Autre exemple d’intégratio­n.

La bonne nouvelle tant espérée est tombée le 18 mai dernier. Ce jour-là, la Fédération internatio­nale de ski a dit oui

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