LES CLÉS POUR COMPRENDRE
Trois incendies, dont le plus dévastateur, dans le Nord, est surnommé « Camp Fire », ravagent la Californie. Avec près de 80 morts, un millier de disparus et une ville, Paradise, rayée de la carte, le bilan n’a jamais été aussi lourd.
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UNE SÉCHERESSE DEVENUE HABITUELLE
« Ce n’est pas une nouvelle normalité, ceci est une nouvelle anormalité.
Et cette nouvelle anormalité va se poursuivre, sans doute dans les dix, quinze ou vingt ans », a averti Jerry Brown, le gouverneur de Californie. Un rapport (Fourth Climate Change Assessment), publié par les autorités californiennes et des scientifiques, constate qu’il n’y a jamais eu autant de phénomènes naturels extrêmes en Californie depuis 2012. Et ces deux derniers mois, l’Etat a reçu moins de 5 % de ses pluies habituelles. De fait, les cinq incendies les plus destructeurs en Californie ont tous eu lieu depuis 2015. Parallèlement, l’accumulation de neige sur la Sierra Nevada (un tiers de la réserve d’eau de Californie) a fortement baissé, atteignant seulement 5 % des enneigements habituels. Son niveau le plus bas depuis cinq cents ans ! Une étude de l’université Columbia publiée en 2016 affirme que le changement climatique dû à l’activité humaine a multiplié par deux la surface touchée par les incendies dans l’Ouest américain. Dans les quatrevingts prochaines années, la zone propice aux incendies pourrait augmenter de 77 %.
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DES FORÊTS
QUI SOUFFRENT
Le « Golden State » abrite de gigantesques forêts qui sont devenues de véritables poudrières. Scott McLean, porte-parole du département des forêts et de la protection contre les incendies de l’Etat, estime que 102 millions d’arbres sont morts à cause de la sécheresse. Et le taux d’humidité du bois est très faible. Des orages auraient dû mouiller la zone à la sortie de l’été. Mais ils sont toujours attendus. Par ailleurs, des végétations particulières augmentent le risque. Le chaparral qui recouvre la chaîne côtière dans le Sud – Los Angeles, San Diego – est l’équivalent de notre garrigue. Il sèche très vite et constitue un écosystème favorable aux méga-incendies. La polémique lancée par un tweet du président Trump reprochant un mauvais entretien des forêts a ainsi été mal accueillie en Californie. Il a longtemps été habituel de laisser brûler pour régénérer la forêt et éviter une densité forte de végétation propice à accélérer la progression des feux à venir. La sécheresse change radicalement la donne. Le risque de ne pas pouvoir maîtriser l’incendie oblige dorénavant à intervenir souvent.
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MANQUE DE CONTRÔLE ET DE MOYENS Donald Trump a finalement débloqué des fonds pour soutenir la lutte contre les incendies en déclarant l’état de catastrophe naturelle. Beaucoup des espaces en feu sont en effet du ressort de l’Etat fédéral. Il n’empêche que la culture américaine n’a jamais été favorable à de grosses dépenses
– donc à des impôts plus lourds – pour protéger durablement les forêts. Face au feu, il était d’usage de protéger soimême son patrimoine. La progression lente le permettait. Mais les phénomènes climatiques plus violents, notamment les vents, et la grande sécheresse provoquent des feux galopants et piègent ceux qui n’ont pas réagi assez vite. Le développement immobilier s’étend aussi de manière anarchique. On parle de 7 millions de logements dans des zones à risque sur l’Etat de Californie. Ils sont alimentés par des lignes électriques parfois mal entretenues et qui pourraient être la cause de départs de feu. Les pompiers, 14 000 venus de tous les Etats-Unis, se battent. Les moyens sont importants
– ils disposent notamment d’un Boeing 747 Supertanker unique au monde – mais ils sont devenus insuffisants face à la démesure des incendies sur un terrain extrêmement difficile.