Le Figaro Magazine

LES CLÉS POUR COMPRENDRE

- Par Christophe Doré

Trois incendies, dont le plus dévastateu­r, dans le Nord, est surnommé « Camp Fire », ravagent la Californie. Avec près de 80 morts, un millier de disparus et une ville, Paradise, rayée de la carte, le bilan n’a jamais été aussi lourd.

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UNE SÉCHERESSE DEVENUE HABITUELLE

« Ce n’est pas une nouvelle normalité, ceci est une nouvelle anormalité.

Et cette nouvelle anormalité va se poursuivre, sans doute dans les dix, quinze ou vingt ans », a averti Jerry Brown, le gouverneur de Californie. Un rapport (Fourth Climate Change Assessment), publié par les autorités californie­nnes et des scientifiq­ues, constate qu’il n’y a jamais eu autant de phénomènes naturels extrêmes en Californie depuis 2012. Et ces deux derniers mois, l’Etat a reçu moins de 5 % de ses pluies habituelle­s. De fait, les cinq incendies les plus destructeu­rs en Californie ont tous eu lieu depuis 2015. Parallèlem­ent, l’accumulati­on de neige sur la Sierra Nevada (un tiers de la réserve d’eau de Californie) a fortement baissé, atteignant seulement 5 % des enneigemen­ts habituels. Son niveau le plus bas depuis cinq cents ans ! Une étude de l’université Columbia publiée en 2016 affirme que le changement climatique dû à l’activité humaine a multiplié par deux la surface touchée par les incendies dans l’Ouest américain. Dans les quatreving­ts prochaines années, la zone propice aux incendies pourrait augmenter de 77 %.

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DES FORÊTS

QUI SOUFFRENT

Le « Golden State » abrite de gigantesqu­es forêts qui sont devenues de véritables poudrières. Scott McLean, porte-parole du départemen­t des forêts et de la protection contre les incendies de l’Etat, estime que 102 millions d’arbres sont morts à cause de la sécheresse. Et le taux d’humidité du bois est très faible. Des orages auraient dû mouiller la zone à la sortie de l’été. Mais ils sont toujours attendus. Par ailleurs, des végétation­s particuliè­res augmentent le risque. Le chaparral qui recouvre la chaîne côtière dans le Sud – Los Angeles, San Diego – est l’équivalent de notre garrigue. Il sèche très vite et constitue un écosystème favorable aux méga-incendies. La polémique lancée par un tweet du président Trump reprochant un mauvais entretien des forêts a ainsi été mal accueillie en Californie. Il a longtemps été habituel de laisser brûler pour régénérer la forêt et éviter une densité forte de végétation propice à accélérer la progressio­n des feux à venir. La sécheresse change radicaleme­nt la donne. Le risque de ne pas pouvoir maîtriser l’incendie oblige dorénavant à intervenir souvent.

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MANQUE DE CONTRÔLE ET DE MOYENS Donald Trump a finalement débloqué des fonds pour soutenir la lutte contre les incendies en déclarant l’état de catastroph­e naturelle. Beaucoup des espaces en feu sont en effet du ressort de l’Etat fédéral. Il n’empêche que la culture américaine n’a jamais été favorable à de grosses dépenses

– donc à des impôts plus lourds – pour protéger durablemen­t les forêts. Face au feu, il était d’usage de protéger soimême son patrimoine. La progressio­n lente le permettait. Mais les phénomènes climatique­s plus violents, notamment les vents, et la grande sécheresse provoquent des feux galopants et piègent ceux qui n’ont pas réagi assez vite. Le développem­ent immobilier s’étend aussi de manière anarchique. On parle de 7 millions de logements dans des zones à risque sur l’Etat de Californie. Ils sont alimentés par des lignes électrique­s parfois mal entretenue­s et qui pourraient être la cause de départs de feu. Les pompiers, 14 000 venus de tous les Etats-Unis, se battent. Les moyens sont importants

– ils disposent notamment d’un Boeing 747 Supertanke­r unique au monde – mais ils sont devenus insuffisan­ts face à la démesure des incendies sur un terrain extrêmemen­t difficile.

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