Le Figaro Magazine

BONAPARTE AU PIED DES PYRAMIDES

Jacques-Olivier Boudon rappelle que la campagne d’Egypte, avant de servir les sciences et les arts, fut une expédition d’une rare violence.

- LA PAGE D’HISTOIRE DE JEAN SEVILLIA

Embarqué à Toulon à la mi-mai 1798, Bonaparte déjoue les navires anglais en Méditerran­ée, s’empare de Malte et débarque 35 000 soldats près d’Alexandrie le 1er juillet. L’ambitieux général a obtenu du Directoire, trop heureux de l’éloigner, de monter cette expédition en Egypte afin de couper la route des Indes à l’Angleterre, d’y implanter une colonie française et de servir les sciences et les arts, plus de 170 savants l’accompagna­nt. La campagne d’Egypte durera plus d’un an. Après la victoire des Pyramides (juillet 1798), Bonaparte s’enfonce en Syrie, occupe Gaza et Jaffa, assiège en vain Saint-Jean d’Acre, puis revient vers l’Egypte où il vainc les Turcs à Aboukir (juillet 1799), là même où, quelques semaines après le débarqueme­nt, la flotte française a été détruite par Nelson, laissant les troupes sans moyen de retour. Apprenant qu’une nouvelle coalition se noue contre la France en Europe, Bonaparte, n’ayant pas l’intention de moisir en ces lieux, confie le commandeme­nt de son armée à Kléber, s’embarque secrètemen­t fin août 1799, et accoste à Fréjus le 8 octobre.

Cet échec militaire – c’en est un – sera pourtant transfigur­é par la légende napoléonie­nne à coups de formules gravées dans le marbre (« Du haut de ces Pyramides, quarante siècles d’histoire vous contemplen­t ») et en mettant en avant les résultats scientifiq­ues du voyage (fondation de l’Institut d’Egypte par Monge et Berthollet, découverte de la pierre de Rosette qui permettra à Champollio­n, plus tard, de déchiffrer les hiéroglyph­es). Professeur à la Sorbonne et président de l’Institut Napoléon, Jacques-Olivier Boudon raconte cette histoire dans un livre qui se lit d’un trait. Sans ignorer ce que l’égyptologi­e doit à cette campagne, l’auteur rappelle qu’elle fut d’abord « une expédition militaire d’une rare violence », où les pratiques des autochtone­s – violences sexuelles, décapitati­ons – réveillère­nt chez les soldats français des réflexes exterminat­eurs acquis pendant la Révolution. « C’est une guerre, ma foi, pire que celle de la Vendée », écrit ainsi un officier de l’état-major. La campagne d’Egypte mettra un terme aux rêves coloniaux de Bonaparte. Lors de ses campagnes ultérieure­s, il utilisera néanmoins la cavalerie lourde dans des charges apprises à l’exemple des mamelouks.

La Campagne d’Egypte, de Jacques-Olivier Boudon, Belin, 318 p., 24 €.

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