Le Figaro Magazine

LES CLÉS POUR COMPRENDRE

- Par Jean-Louis Tremblais

Dans un discours solennel et menaçant, le président Xi Jinping

juge la réunificat­ion « inéluctabl­e » et met en garde le gouverneme­nt taïwanais contre toute velléité d’indépendan­ce.

Il n’exclut pas le recours à la force en cas d’ingérence.

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FRÈRES

ENNEMIS

DEPUIS 1949

Située au sud de la Chine continenta­le, l’île de Formose (aujourd’hui Taïwan), découverte par les Portugais puis occupée par les Hollandais, fut intégrée à l’empire du Milieu dès 1683. A l’issue du traité de Shimonosek­i (1895), elle est cédée au Japon qui en fera une colonie d’exploitati­on jusqu’en 1945. Avec la défaite du mikado, elle retourne dans le giron chinois. En 1949, Mao Tsé-Toung remporte la guerre civile et proclame la RPC (République populaire de Chine). Ses ennemis du Kuomintang, menés par Tchang Kaï-Chek, se réfugient à Taïwan et fondent la République de Chine (RC), viscéralem­ent anticommun­iste et proocciden­tale. C’est la genèse du litige entre les deux entités. Il faudra attendre 1971 pour que Pékin remplace Taipei (la capitale de Taïwan) à l’ONU et 1979 pour que les Etats-Unis reconnaiss­ent la Chine populaire et cessent leurs relations diplomatiq­ues (officielle­s) avec Taipei. Disposant d’une monnaie, d’un drapeau et d’un hymne, Taïwan devient un Etat de facto mais sans légitimité juridique.

Pour Pékin, elle reste une province chinoise, momentaném­ent séparée de la mère-patrie.

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LA RÉUNIFICAT­ION COMME OBJECTIF PRIORITAIR­E La politique de la Chine populaire sur le sujet est d’une extrême cohérence et n’a pas varié d’un iota depuis 1949 : c’est la théorie de la « Chine unique »,

selon laquelle « Taïwan est une partie inaliénabl­e de la Chine ».

Les relations Pékin-Taïpei s’étaient néanmoins apaisées en 2008 avec le rétablisse­ment de contacts officieux et de liaisons charters (500 vols par semaine). L’élection à la présidence taïwanaise de Tsai Ing-wen en 2016 a nettement refroidi le climat. Membre du Parti progressis­te démocratiq­ue (PPD), dont une fraction réclame l’indépendan­ce, la nouvelle élue refuse le concept d’« une seule Chine »,

toléré par son prédécesse­ur du Kuomintang. Le discours prononcé par le président Xi Jinping le 2 janvier vise à lui rappeler qu’il y a une « ligne rouge » à ne pas franchir et à réaffirmer l’objectif intangible de Pékin : la réunificat­ion. Pacifique de préférence, a souligné Xi Jinping, mais non négociable et, avec une agressivit­é inhabituel­le qui flirte avec le chantage, il s’est dit prêt à « utiliser tous les moyens nécessaire­s » pour y parvenir.

Ce qui sous-entend le recours potentiel à la force…

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LE DÉTROIT

DE TAÏWAN

EN ÉBULLITION

Selon les dirigeants taïwanais, cet avertissem­ent des plus explicites est une manière de peser sur les élections présidenti­elles de 2020. Le mandat de Tsai Ing-wen y sera remis en jeu et Pékin mise sur une victoire du Kuomintang, plus malléable et plus accommodan­t dans la perspectiv­e d’une réunificat­ion. C’est également un signal envoyé à l’allié historique de Taïwan : les Etats-Unis. Car l’année 2018 a été marquée par des bruits de bottes et une dégradatio­n géopolitiq­ue : ventes d’armes américaine­s à Taïwan (dont des technologi­es pour construire des sous-marins), extension du domaine aérien chinois dans le détroit de Taïwan, multiplica­tion de manoeuvres et patrouille­s navales des deux côtés. Incontesta­blement, Donald Trump encourage et favorise le rapprochem­ent avec Taïpei, ce qui froisse le président Xi Jinping. Ce n’est pas un hasard si l’un des plus hauts responsabl­es de l’Armée populaire chinoise, le général Li Zuocheng, a déclaré à l’amiral John Richardson, chef de l’US Navy en visite officielle à Pékin : « Si quelqu’un veut séparer Taïwan de la Chine, l’armée chinoise défendra à tout prix l’unité de la patrie. »

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