LA PAGE HISTOIRE
Le destin tragique de Louis II de Bavière, personnage fantasque et solitaire, ne cesse de fasciner, et d’inspirer les historiens.
Les mélomanes pensent à lui grâce à son amitié avec Wagner, les cinéphiles n’ont pas oublié le chef-d’oeuvre que lui a consacré Visconti, et les voyageurs se pressent dans ses châteaux de Neuschwanstein et de Herrenchiemsee. Du côté des écrivains, il a inspiré des dizaines de romans et de poèmes, tandis que le personnage ne cesse de stimuler la passion des chercheurs en histoire. Qui ne connaît Louis II de Bavière ? A-t-on, peut-on dire du neuf sur lui ? Catherine Decours relève le défi en publiant sur le roi fou et son mystère, sujet rebattu, un ouvrage qui n’est pas un livre en trop. Historienne, spécialiste du XIXe siècle – on se rappelle ses belles biographies de Zoé du Cayla, la favorite de Louis XVIII (Perrin, 1994), ou de Mme Récamier (Perrin, 2013) –, l’auteur raconte la vie de Louis II en mettant en miroir le mythe et la réalité, notamment en s’appuyant sur l’analyse des falsifications du journal intime du malheureux monarque. Après avoir accédé, en 1864, au trône des Wittelsbach, la Bavière étant alors un royaume indépendant au sein de la Confédération germanique, Louis II se résigna à la supériorité de la Prusse, dont il fut l’allié contre l’Autriche, en 1866, et aida Bismarck, en 1870-1871, à réaliser l’unité allemande autour des Hohenzollern. La Bavière gardait quelques prérogatives au sein du nouvel empire allemand, mais son roi, dénué d’ambition politique, pouvait enfin s’abandonner à ses rêves. Des rêves qui, de projets architecturaux de style fantastique en promenades nocturnes à traîneau dans les montagnes bavaroises, révélèrent bientôt son déséquilibre mental. Catherine Decours cite de multiples manifestations, tristes ou cocasses, de cette folie, en analysant la psychologie d’un homme qui était conscient de sa maladie mais la dissimulait par peur d’être enfermé comme son frère Otto, de même que, sur un autre plan, il fut « un homosexuel honteux, malheureux et parfois repoussé ».
En 1886, déclaré inapte à régner et interné pour aliénation mentale, le souverain détrôné mourra en se noyant dans le lac de Starnberg, entraînant son médecin dans la mort, drame qui, lui aussi, reste une énigme. Louis II de Bavière ? Une vie de souffrance, un destin tragique et une trace dans l’Histoire : tous les ingrédients pour fasciner.
Louis II de Bavière. Le trône et la folie, de Catherine Decours, Fayard,
448 p., 24 €.