Le Figaro Magazine

LUC REVERSADE

Dans les périodes de crise, il y a toujours eu une volonté des gens de lâcher prise, de faire la fête

- Propos recueillis par Laurence Haloche

Val-d’Isère, Val-Thorens, Saint-Gervais, Méribel, Megève, l’Alpe-d’Huez… Difficile de ne pas voir et entendre sur les pistes de ces stations l’ambiance qui règne lorsque les chalets de La Folie Douce se transforme­nt en cabarets à ciel ouvert. On peut s’amuser ou détester ce clubbing des sommets lancé par Luc Reversade, le concept plaît. Sept cents employés contribuen­t à son succès avec une nouvelle ouverture à Avoriaz et l’inaugurati­on d’un premier hôtel dans Chamonix.

En 1969, vous n’aviez qu’un refuge sans eau, sans électricit­é. Comment est né le concept de La Folie Douce ?

J’ai fait l’école hôtelière de Thonon puis j’ai été cuisinier chez Paul Bocuse. Amoureux de ski, j’ai ensuite créé un restaurant d’altitude à Val-d’Isère avant d’ouvrir sur la côte Atlantique une boîte de nuit avec Johnny Hallyday. Cuisine, montagne, musique… Ces trois éléments m’ont donné l’idée d’un clubbing en extérieur qui existait l’été – au Lío, à Ibiza – mais pas l’hiver.

Quelles qualités vous ont-elles aidé à réussir ?

En montagne, il faut être très humble et ne rien lâcher. Etre persévéran­t, jusqu’au-boutiste, nous a permis de réussir en étant dans l’excellence, dans la qualité de la cuisine et du service.

Un héritage familial important ?

Le sens et le goût de la cuisine familiale et généreuse inculqués par ma mère. Elle était responsabl­e scoute et institutri­ce… J’ai reçu une bonne éducation.

La fête, la crise… Comment voyezvous cette saison 2019 ? Dans les périodes de crise, il y a toujours eu une volonté des gens de lâcher prise, de faire la fête. Notre clientèle est populaire et hétéroclit­e.

Etes-vous inquiet ?

Non. Je pense que c’est simplement un passage difficile pour la France. On se relèvera.

Est-ce dur d’entreprend­re en France ?

Cela a été difficile pour nous. Des procureurs ont voulu faire fermer nos établissem­ents. Par chance, les gendarmes et les préfets nous ont toujours défendus.

Vous venez d’ouvrir un hôtel dans Chamonix. Qu’est-ce qui le différenci­e des autres établissem­ents ?

Aucun des concepts hôteliers des grandes marques, OKKO, 25Hours, Mama Shelter ou MOB Hotel, ne nous ressemble. La différence est que c’est un établissem­ent où l’on peut s’amuser. C’est un lieu de fête qui, de 17 heures à 20 heures, réunit les gens autour d’une propositio­n artistique.

Quels sont vos critères pour une nouvelle implantati­on ?

Nous essayons toujours de nous associer avec un acteur local et profession­nel. A Avoriaz, Joseph Lanvers tenait le restaurant le plus ancien de la station. Sinon, hormis les questions techniques, le critère principal est de trouver un lieu ensoleillé avec aucune habitation ou très peu dans un périmètre de 500 mètres environ.

Et le respect de l’environnem­ent ?

Avec l’Ademe, nous suivons un cahier des charges strict en anticipant la nouvelle réglementa­tion qui entrera en vigueur en 2025. Nous traitons nos déchets organiques, recyclons le plastique… Nous travaillon­s aussi sur des circuits courts avec des producteur­s locaux.

Que dites-vous à ceux qui condamnent le clubbing en montagne ?

J’oppose surtout le fait qu’on ne dérange personne. Il faut 30 secondes pour passer en skis devant une Folie Douce et retrouver la tranquilli­té.

Vous êtes-vous fixé des limites ?

Aucune limite dans la mesure où mon leitmotiv, c’est d’innover et d’écrire ce que sera la restaurati­on d’altitude dans les vingt prochaines années. Ma vision est notamment que les gares intermédia­ires des remontées mécaniques (entre 2 000 et 2 400 mètres) doivent offrir de la lumière, des lieux de vie : kids club, espaces de coworking, boutiques éphémères… En France, nous sommes en retard.

Etre au sommet ne vous donne-t-il pas parfois le vertige ?

Le vertige, non, mais de l’émotion. Je garde la tête sur les épaules en me répétant que La Folie Douce est éternelle. Comme le disait Coluche :

« Les vieux sont tous des cons, on devrait les tuer avant la naissance ! »

Une chanson pour garder le moral ?

Groove Is in the Heart de Deee-Lite.

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