LA RHÉTORIQUE DU VIDE
Grand débat », « échanges », « dialogue à renouer », « communication à rétablir », « écoute à réinstaurer »… Le culte de la parole semble envahir l’espace public. Une inflation verbale sans précédent submerge la République. Chacun est prié de s’immerger dans ce logos amniotique censé guérir les blessures et résoudre la crise. Les plus enthousiastes y voient même le salut de leur âme, c’est-à-dire de la démocratie. On hésite entre saint Jean (« Au commencement était le Verbe… ») et Dalida
(« Paroles, paroles, paroles… »). Mais dès que l’on interroge le contenu de cette parole, qu’y trouve-t-on ? Rien, hormis la parole elle-même, qui se met en scène et se redouble indéfiniment, ne parlant que d’elle. Cette prolifération diarrhéique du signifiant dans le discours public ne date pas d’hier. Mais son principe est aujourd’hui visible par tous : la parole sans contenu doit devenir le contenu de toute parole afin de dissimuler les intérêts partisans de ceux qui la profèrent. Nos contemporains en déduisent logiquement que toute parole publique, politique, médiatique, institutionnelle est nulle et non avenue. Et que les hommes qui la débitent doivent être jugés pareillement. La psychothérapie managériale de groupe actuellement en cours liquiderat-elle ces pensées malveillantes ou sera-t-elle perçue pour ce qu’elle est : la maladie se prétendant remède ?